Pauline cette inconnue

En tout cas de mes services, puisque c’est l’héroïne de « Polyeucte » tragédie chrétienne écrite par Corneille en 1641, qui n’a jamais fait partie de mes petites études littéraires classiques… et un peu oubliée dans les actuelles mises en scène.

Pourtant c’est une pièce dont l’inspiration chrétienne mériterait fort d’être revue à la lumière de nos religions.

L’argument est le suivant : Félix, gouverneur d’Arménie, promet sa fille Pauline à Polyeucte, proche de l’empereur Décius. Mais cette dernière est amoureuse de Sévère, rejeté comme prétendant par manque de fortune. Pauline, en digne femme cornélienne, déchirée entre les deux hommes, sacrifie son amour à son sens du devoir et épouse Polyeucte. Voilà en place avec ce quatuor dont Pauline est le centre tout ce qu’il faut pour une tragédie de la mort annoncée.

En effet, à peine marié, Polyeucte décide de se convertir au christianisme et de briser les statues des dieux païens, se condamnant ainsi à la mort puisque l’empereur a décidé de tuer tous les chrétiens. Face à la grandeur divine de son mari, reconnaissant ses mérites dans la force et la sincérité de son engagement, Pauline finit par l’aimer tout en gardant des sentiments sincères pour Sévère que d’ailleurs on croit mort. C’est une femme intègre qui renonce à Sévère revenu pour appliquer les décisions de l’empereur dont il est le favori, et qui voudrait la reconquérir.

Elle choisit d’être loyale et fidèle à son époux et se révèle alors, face à la menace de mort qui pèse sur lui, une femme passionnée. Elle essaie de le faire renoncer à sa conversion pour lui éviter la mort en l’exhortant à vivre pour elle, « ne désespère pas une âme qui t’adore… n’oublie pas quels combats j’ai donnés pour te donner un cœur si justement acquis à son premier vainqueur » puis elle a recours à la séduction ultime en lui offrant ses charmes pour le ramener à la vie terrestre. Mais Polyeucte est dominé par la foi, dans l’espoir d’une vie éternelle il rejette cet amour qui n’est qu’une entrave pour son amour de Dieu.

Dans son goût de l’absolu, Pauline, femme de cœur et de courage, dira alors « ma mort suivra la mort de ce cher criminel » et choisira de se convertir elle aussi au christianisme.

Bien que l’argument principal de la tragédie soit la conversion de Polyeucte au christianisme, entraînant la description d’un fanatisme religieux soutenu par la promesse d’une vie éternelle auprès de Dieu, le personnage de Pauline éclaire toute la pièce par son humanité, sa sensibilité, ses doutes, c’est une véritable héroïne cornélienne ayant le sens de l’honneur et du devoir et livrant des combats entre cœur et raison.

Plus de trois siècles plus tard, le parallèle est saisissant avec les fanatismes musulmans qui se développent en ce moment, et peut-être que le personnage de Pauline, nous aide à comprendre les conversions de ces jeunes femmes, séduites par le pseudo courage et goût de l’absolu allant jusqu’à la recherche du sacrifice de leurs compagnons !!! L’humanité a-t-elle donc si peu changé ? Aurait-elle tout simplement régressé ?

L’invitée du dimanche