En termes galants
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 17 septembre 2018 11:04
- Écrit par Claude Séné
Le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, nous a gratifiés d’un joli numéro d’acteur pour tenter de justifier la suppression de 1800 postes dans le second degré en 2019. Il a tenu tous les rôles à lui seul, jouant tour à tour Harpagon, Maître Jacques et Valère, l’intendant ayant réponse à tout et auteur de jolies formules destinées à faire passer la pilule. Malgré tous ses efforts, il ne peut masquer la réalité, qui est que son ministère, comme les autres, en sera réduit à racler les fonds de tiroirs pour financer le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les quartiers difficiles.
Cette réduction d’effectifs des enseignants est tout sauf une surprise. Le candidat Macron a promis la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires d’ici la fin de son quinquennat, dont 50 000 dans la seule fonction publique d’état. Comment y parvenir sans toucher aux « gros » ministères tels que celui de l’éducation ? Comme un camelot gagnant sa vie avec le jeu du bonneteau, le ministre affirme que le nombre d’élèves par classe n’augmentera pas, tout en supprimant des postes d’enseignants. Voilà qui fait furieusement penser à la maxime de Molière dans l’Avare où Maître Jacques devra « faire bonne chère avec peu d’argent ». Harpagon résume assez bien la situation en indiquant à son cuisinier qu’il doit acheter pour huit quand il prévoit dix convives, car « quand il y a à manger pour huit, il y en a bien pour dix ». Le ministre a repéré des classes en sous-effectif dans certaines filières. Il compte donc sur la récupération de ces postes pour désengorger les classes à trente-cinq élèves. En langage courant, cela s’appelle déshabiller saint Pierre pour vêtir saint Paul. Mais le compte n’y est pas, et Jean-Michel Blanquer devrait bien retourner aux cours du soir pour réviser son arithmétique.
Et quand bien même il serait possible de rationaliser les moyens pour grappiller quelques postes par-ci par-là, le problème de fond subsisterait. Veut-on, oui ou non, mettre une véritable priorité sur ce secteur clé, dont dépendent tous les autres ? Ou bien n’est-on pas en train d’instiller insidieusement l’idée que l’on peut se passer des fonctionnaires jugés surnuméraires ? La manœuvre existait déjà du temps de Sarkozy. On fait miroiter une augmentation de salaire pour masquer la saignée et l’on remplace les postes budgétaires par un contingent d’heures supplémentaires. On fait vertu d’une frugalité subie, au nom d’un « il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger ». Moyennant quoi, comme Harpagon vantant les mérites d’une cuisine roborative et surtout bon marché telle qu’« un haricot bien gras », Maître Blanquer prônera le retour au B.A.-BA et à la bonne vieille dictée.