Enfin !

C’est par ce simple mot que le fils de Maurice Audin a accueilli la nouvelle selon laquelle l’état français était en voie de reconnaître sa responsabilité dans l’enlèvement, la torture et l’assassinat de son père en juin 1957 à Alger. Il aura donc fallu 61 ans pour admettre que ce jeune mathématicien, militant anticolonialiste et membre du Parti communiste français avait été une victime de l’armée française commandée par le général Massu, alors que l’amnistie générale de 1962 avait arrêté toute enquête et toute poursuite dans le but de faire éclater la vérité et indemniser correctement la famille.

Il faut reconnaître à Emmanuel Macron le mérite d’avoir poussé cette démarche au moins jusqu’à ce point, même s’il reste du chemin à faire dans la dénonciation des abus et des crimes perpétrés pendant cette drôle de guerre, baptisée « évènements » pour des raisons électoralistes. Elle est emblématique de tous ces disparus dont on n’a jamais retrouvé les corps. Nous savons cependant de source sûre, comme en témoignent de hauts responsables tels que le général Aussaresse, que la France a pratiqué la torture, bien que le général Massu n’ait jamais admis autre chose que des interrogatoires « poussés ». Aujourd’hui encore, des voix s’élèvent pour réclamer le silence afin de ne pas ternir l’honneur de l’armée française. Notamment celle de Marine Le Pen, dont le père a participé activement à la répression en Algérie. Une telle attitude est naturellement stupide. Ce n’est pas en niant l’évidence que l’on pourra redorer le blason d’une armée qui n’a eu besoin de personne pour se déconsidérer. Ce serait plutôt en reconnaissant ses erreurs et ses fautes qu’elle pourrait retrouver son honneur perdu.

Cette guerre coloniale reste comme une tache sur le passé de la France, comme celle d’Indochine, en pire, parce que l’Algérie était considérée comme un département français. Après la 2e guerre mondiale, les Français ont pu se bercer de l’illusion qu’ils étaient presque tous résistants, par le cœur sinon par leurs actes. En Algérie, les appelés savaient très bien qu’ils étaient du mauvais côté. Ils espéraient juste ne pas y laisser leur peau. Mais les paras de Massu ne faisaient aucun quartier, persuadés de devoir en passer par le déshonneur pour abattre l’ennemi. Tous les moyens étaient bons et l’on doit soupçonner certains d’y avoir trouvé du plaisir. Les temps ont fini par changer et l’opinion est prête à entendre la vérité sur ce passé peu glorieux. On ne peut pas exclure d’ailleurs qu’Emmanuel Macron y ait vu une possibilité de se refaire une petite santé à moindre coût dans la période difficile qu’il traverse. Pour cette fois, nous ne lui en tiendrons pas rigueur, car la cause est juste.