La nouvelle Marianne

Après avoir revêtu l’apparence de Catherine Deneuve ou de Brigitte Bardot, la Marianne nouvelle aura donc les traits de Natacha Polony, fraichement nommée à la tête de l’hebdomadaire fondé par Jean-François Kahn en 1997. Le choix du nouveau propriétaire, un milliardaire tchèque, a de quoi surprendre. La rédaction de Marianne, bien que se voulant anticonformiste, a généralement été influencée par une sensibilité plutôt de gauche et un esprit critique à l’égard du pouvoir, spécialement quand il est de droite. L’ancienne chroniqueuse de Laurent Ruquier, elle, ne cache pas ses sympathies pour une intelligentsia droitière.

Son parcours peut sembler erratique puisqu’elle a aussi bien pu soutenir le Pôle républicain de Jean-Pierre Chevènement que défendre l’héritage du gaullisme avant de se rapprocher d’Arnaud Montebourg. Elle revendique partager 90 à 95 % des analyses d’Éric Zemmour et se reconnait « réactionnaire » tout en refusant les étiquettes de droite et de gauche, ce qui signe évidemment son appartenance à la droite, dont elle a apparemment vaguement honte. S’il est une constante dans ses prises de position, ce serait celle du souverainisme, qui lui permet de faire le grand écart entre Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan. C’est cette conviction antieuropéenne, camouflée en lutte anticapitaliste, qui lui a valu cette promotion, en prévision des élections européennes de 2019. Elle succède à Renaud Dély, clairement marqué à gauche et qui avait dirigé la rédaction de l’Obs, et trouvera un journal en perte de vitesse auprès de son lectorat et en grande difficulté financière. Son nouveau propriétaire ne peut ignorer la conjoncture défavorable que traverse la presse depuis déjà longtemps et son objectif n’est certainement pas la rentabilité, mais la défense et l’illustration de son idéologie hostile à l’Europe de Bruxelles.

Dans le même temps, Claude Perdriel, figure historique d’une certaine gauche, celle de Mendès-France puis de Michel Rocard, débarque Raphaël Glucksmann de la direction du Nouveau magazine littéraire, pour y installer Nicolas Domenach, ancien directeur adjoint de, je vous le donne en mille, tadam ! Marianne ! et oui, la presse aussi a son mercato, son jeu de chaises musicales, comme peut-être le gouvernement bientôt. Les enjeux autour de ces mouvements sont clairement politiques. Le patron de presse qu’est Claude Perdriel veut un journal qui cesse de critiquer le chef de l’état, dont il partage les orientations. Il fait ainsi écho aux critiques en règle formulées par Emmanuel Macron à l’égard de la presse, dont il rêve manifestement de saper l’influence. Malgré tous ses défauts, le quatrième pouvoir reste cependant plus que jamais indispensable, et son indépendance est malheureusement menacée, puisqu’elle dépend de personnalités, d’investisseurs, qui peuvent poursuivre leurs propres objectifs.

Commentaires  

#1 jacotte 86 04-09-2018 11:27
il se fait quand même drôlement grenu ouiller ce 4ème pouvoir dont on a tant besoin, pourvu le canard continue à ouvrir le bec!!!
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