Misère !

« De Jean-Louis Chautard et Gérard Grandjean sur une musique de Pierre Bénichou et Marie Grospierre : Misère ! » Le sketch et la chanson de Coluche remontent à 1978. Ça ne nous rajeunit pas. Emmanuel Macron était à peine né, et pourtant l’humoriste aurait pu reprendre à son compte sa récente diatribe contre « le pognon de dingue » que coûte la politique sociale sans pour autant parvenir à éradiquer la pauvreté. « L’argent ne fait pas le bonheur des pauvres », déclarait Coluche dans sa chanson parodique qui dénonçait « les salauds qui nous bouffent le caviar sur le dos ».

Je suis sûr que Macron approuve cette charge à 100 % et son raisonnement est imparable : arrêtons de donner de l’argent à ceux qui n’en ont pas : ils ne sauraient de toute façon pas quoi en faire. Distribuons-le à ceux qui en en ont déjà beaucoup, pour qu’ils se goinfrent davantage et finissent par lâcher quelques miettes qu’ils n’arrivent pas à avaler. Les grains de caviar qui débordent de la louche, en somme. Ça finira bien par faire envie aux pauvres, dont les plus forts écraseront la concurrence pour devenir les nouveaux riches, et perpétuer la situation de fait des inégalités. En langage macronien, cela s’appelle « responsabiliser » les pauvres. Bon ! tu es handicapé, tu ne trouveras plus de logement adapté d’ici quelques années, il n’y a pas de boulot pour les valides, alors, pour toi, on n’y pense même pas, mais ce n’est pas grave : on est de tout cœur avec toi, vas-y, fonce, je te sens bien responsabilisé, là !

Coluche se moquait de ceux que l’on n’appelait pas encore les bobos, dont l’enfer était pavé de bonnes intentions, et il avait raison, évidemment. Mais il n’avait encore rien vu. La bonne conscience de « gôche », malgré tous ses défauts, essayait quand même de compenser autant que possible les aléas de la naissance et les vicissitudes de l’existence. Scrupules balayés par une droite décomplexée, dans la lignée de laquelle s’inscrit le néo-libéralisme présidentiel. Avec sa sortie sur le pognon de dingue, Emmanuel Macron nous a fait du Sarkozy dans le texte, feignant le langage popu pour introduire une connivence artificielle avec le petit peuple. La ficelle est grosse. La question est de savoir si le troupeau va suivre. « Il suffirait que les gens ne les achètent plus pour que ça ne se vende pas ». L’étiquette de « président des riches » qui colle à la peau d’Emmanuel Macron pourrait être bientôt complétée par celle de « dingue du pognon ». Misère !

Commentaires  

#2 poucette 14-06-2018 15:29
jusqu’où il va pouvoir aller ....à la manif des retraités nous n'étions pas très nombreux ce matin.pourtant nous sommes aussi dans le collimateur;et sans défense aussi
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#1 jacotte 86 14-06-2018 13:18
je lui attribuerai bien aussi celui de "roi de cyniques"
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