La victoire

Pas toujours en chantant…

En partant de la fin des événements de mai 68 qui se sont conclus par ce que l’on peut considérer comme la victoire des accords de Grenelle, je me suis demandée si, sans être vraiment une victoire à la Pyrrhus (vous savez ces victoires où l’on est prêt à tout sacrifier pour gagner sur son adversaire, comme Pyrrhus contre les Romains, dont le succès s’est payé par la mort de 13 000 guerriers), était-ce une victoire où nous avons eu quelques raisons de ne pas trop chanter, puisqu’il a fallu la payer avec la victoire de la droite aux législatives qui ont suivi, compensée il est vrai l’année suivante par le départ de De Gaulle humilié par les résultats du référendum d’avril 69.

À la lumière de ce constat, on voit bien qu’il faut relativiser les acquis sous-entendus par ce concept de victoire. La victoire c’est ce qui doit vous donner un avantage sur les ennemis, de gagner une bataille réelle ou symbolique contre l’adversité, mais peut-être qu’à chaque fois qu’on la remporte il y a un prix à payer. Il est des victoires que l’on fête, celle du 8 mai 1945 par exemple, qui ont un goût de défaite quand elles laissent derrière elles 60 millions de morts !

Il est aussi des victoires éphémères, notre président devrait se méfier de la sienne, la France en mouvement pourrait bien la lui enlever, et comme on apprend autant de la défaite que de la victoire, la gauche pourrait bien tirer des enseignements de la sienne pour ressurgir de ses cendres !

Mon titre est un clin d’œil au chant du départ créé en 1794, dont le titre original était « hymne à la liberté » et qui fut exécuté pour la première fois à Fleurus pour célébrer la victoire sur les coalisés contre la France. C’est un chant qui exalte le patriotisme, long de 7 couplets qui donnent tour à tour la parole à tous ceux qui composent la société, et que Napoléon a décrété hymne national à la place de « la Marseillaise » en 1804. Il a beaucoup servi à encourager les soldats de la Première Guerre mondiale pour renforcer leur courage, mais un peu oublié de nos jours bien qu’un seul vers de cette chanson devrait être retenu, « la liberté guide nos pas ».

Depuis l’Antiquité, la victoire a eu d’autres symboles, comme la statue de la victoire de Samothrace datant du deuxième siècle avant J.-C., superbement rénovée et visible au Musée du Louvre, censée représenter une déesse protectrice des marins et des soldats descendant sur terre, en se posant sur la proue d’un navire pour faire honneur aux vainqueurs.

On la retrouve dans plusieurs expressions communes : crier victoire, avoir la victoire modeste, réussir une victoire sur soi, la victoire au goût amer… mais est-ce toujours aussi important « d’arracher » la victoire, car finalement pas une victoire ne vaut un mort.

L’invitée du dimanche