Saperlipopette !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 13 avril 2018 10:24
- Écrit par Claude Séné
Décidément, notre président a le chic pour remettre au goût du jour des expressions injustement oubliées, qui lui permettent d’étaler sa culture et d’occuper les journalistes confrontés à l’absence sidérale de propositions concrètes pour améliorer le quotidien des Français, à l’exception des plus aisés. Le mot du jour sera donc « carabistouille ». Une expression en provenance de l’outre-Quiévrain, façon pédante de désigner la Belgique, qui sied parfaitement à mon propos. Là où certains inventent des mots qui n’existent pas encore, Emmanuel Macron déterre des vocables que je qualifierai de paléologismes, par opposition aux néologismes dont je viens de vous gratifier d’un spécimen.
En promettant de ne pas nous raconter de carabistouilles, le président s’est engagé imprudemment à ne pas nous servir de mensonges ni de tromperies, ou en langage macronien, de calembredaines et de balivernes, dont il fait pourtant son menu quotidien depuis fort longtemps. On reconnaîtra par là le charme discret de la bourgeoisie dont il est issu. Un charme délicieusement suranné, du plus bel effet dans les dîners en ville, mais assez éloigné, il faut le reconnaître, des préoccupations des cheminots, des étudiants, des retraités, des infirmières, des écolos, du personnel d’Air France, des professionnels de justice, etc. qui n’ont goûté que très moyennement la poudre de perlimpinpin servie par le pouvoir, en guise de réponse à leurs revendications.
Le porte-drapeau du « Nouveau Monde » a réussi en une phrase à me faire revenir 70 ans en arrière, quand je lisais un journal illustré nommé l’Intrépide, dont je me délectais, et où l’expression « saperlipopette » était déjà désuète, mais serait parfaitement adaptée à la communication présidentielle pour sa prochaine intervention de propagande dimanche prochain. À moins qu’il ne préfère s’inspirer d’un autre représentant de la modernité, le capitaine Haddock, qui n’a après tout que 89 ans, guère plus que le public visé par Hergé, de 7 à 77 ans. Il puisera avantageusement dans le langage fleuri du matelot pour traiter ses adversaires de « bachi-bouzouks », de « bougres d’olibrius » ou de « zapotèques », tout en s’exclamant sur le tonnerre de Brest sortant des mille millions de sabords. J’en passe, mais il faut laisser un peu de travail à ses conseillers en communication. Cet épisode me rappelle une publicité déjà ancienne (1992) pour une marque de lait dans laquelle des enfants se chamaillaient sur des figures de style, entre métaphore et euphémisme. Une petite fille mettait tout le monde d’accord en déclarant qu’il s’agissait d’une coquecigrue, dont elle donnait même un synonyme : sorte de billevesée. De quoi clouer le bec à un cuistre qui aurait dû, comme la maman, conclure : « elle est mignonne ! »
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