Princes des monte-en-l’air

Ainsi passe la gloire du monde. Il y a seulement une semaine, le monde entier s’étonnait de la hardiesse qui permettait à quelques malfaiteurs de s’emparer, au vu et au su de badauds effarés, des bijoux de la Couronne de l’époque napoléonienne conservés au Louvre, emportant avec eux un butin d’une valeur « inestimable » finalement évaluée à 88 millions d’euros. À condition de trouver des acheteurs prêts à débourser une pareille somme pour le plaisir de posséder des bijoux invendables en l’état, et perdant presque toute valeur marchande en cas de dessertissage des diamants et autres pierres précieuses, retaillés pour l’occasion. Il n’importe.

Le prestige de ces pièces de collection suffisait à auréoler leurs voleurs d’un nimbe permettant de qualifier l’opération de « casse du siècle » et les auteurs de « princes des monte-en-l’air » selon l’expression inventée par Brassens pour désigner le cambrioleur qui l’avait dépouillé et délesté de ses trésors personnels. Comme pour tonton Georges, il s’agissait au Louvre d’une blessure d’amour-propre et d’une sidération devant la facilité avec laquelle les trésors avaient été subtilisés. L’annonce de l’arrestation de deux des cambrioleurs, dont l’un s’apprêtait à quitter le territoire, a donc été un soulagement, surtout pour les autorités, bien embarrassées par la tournure des évènements et la mise en lumière des défauts de protection de nos « bijoux de famille ». Car, tout à coup, les « professionnels chevronnés » qu’on nous avait vendus comme des génies du fric-frac, se sont révélés d’un amateurisme sidérant, même en leur reconnaissant une préparation minutieuse de leur coup et un courage physique réel. Ils semblent bien, au vu des vidéos des caméras de surveillance, avoir été surpris de la résistance des personnes chargées de la sécurité. Ils ont fui précipitamment sans mettre le feu pour faire disparaître leurs traces. Pas moins de 150 échantillons ont permis d’identifier un des auteurs, connus des services de police.

Seule ombre au tableau, les bijoux n’ont pas été retrouvés et il y a peu de chance que les deux suspects acceptent de les restituer, si le dépeçage des œuvres de joaillerie pour une vente à la découpe n’a pas déjà commencé. Le seul espoir pour retrouver les joyaux en leur état initial serait que les cambrioleurs aient été commandités et rémunérés forfaitairement pour un vol commis pour le compte d’autrui. Soit un ou plusieurs collectionneurs richissimes, soit une puissance étrangère pour des motivations politiques visant la France. Nous n’avons que peu de détails sur le profil des malfaiteurs actuellement en garde à vue, mais l’enquête en dira peut-être un peu plus long. En tout cas, les moyens ont été mis en œuvre et ils ont montré leur efficacité, bien aidés cependant par une forme d’amateurisme digne des pieds nickelés d’autrefois.