Perpétuité « réelle »

C’est, dans le langage courant, la peine maximale à laquelle on peut être condamné en droit français, depuis que Robert Badinter, récemment admis au Panthéon, a réussi à faire abolir la peine de mort en 1981. Il s’agit en pratique d’un emprisonnement à vie, assorti d’une période de sûreté pouvant aller jusqu’à 30 ans, pendant lesquels le prisonnier ne peut bénéficier d’aucun aménagement de son régime carcéral ni d’aucune réduction de peine, généralement accordée aux délinquants ordinaires qui peuvent alléger la sanction, en fonction d’un comportement exemplaire. C’est donc le verdict qui est tombé dans le procès de la meurtrière de la jeune Lola, victime de viol, de torture, puis tuée par Dahbia Benkired.

La cour a écarté l’éventualité d’une abolition du discernement de l’accusée qui aurait abouti à son irresponsabilité pénale en faveur d’un traitement psychiatrique d’une éventuelle maladie mentale. Cette peine sévère de perpétuité incompressible a été introduite dans le Code pénal en 1994, en réaction à un crime odieux d’un enfant de 8 ans à Perpignan, et elle a été appliquée à 11 reprises, parmi lesquelles on retrouve le tueur en série Michel Fourniret en 2008 et Salah Abdeslam, terroriste membre du commando des attentats du 13 novembre 2015, en 2022. C’est la première fois qu’une femme est condamnée à cette peine, qui fait exception à une règle non écrite de notre système judiciaire, qui consiste à laisser un espoir, même mince, d’une libération, y compris dans le cas de crimes particulièrement graves. Certains détenus considéraient d’ailleurs qu’un emprisonnement à vie était plus dur à supporter que la peine de mort elle-même. Les aménagements de peine ou leur réduction sont un moyen reconnu de faire baisser la pression dans les prisons. L’administration pénitentiaire s’est d’ailleurs donné la réinsertion sociale et la prévention des récidives comme objectifs d’une incarcération, au-delà de la simple privation de liberté.

La condamnation à la peine maximale a été saluée par la famille, qui l’espérait et l’a accueillie dans la dignité dont elle a fait preuve durant tout le procès. On ignore encore si la condamnée fera ou non appel de ce verdict, le plus lourd encouru dans notre code. L’avocate de la famille de Lola est formelle : « elle ne sortira pas ». Bien que ses actes peuvent faire penser à une maladie mentale, les trois experts qui l’ont examinée ont conclu sur l’absence de maladie mentale, mais une psychopathie et une dangerosité très élevée, qui excluent par avance tout aménagement de peine du fait d’un risque élevé de réitération des crimes, si on lui en donne l’occasion. Difficile d’éprouver la moindre empathie pour une personne qui en est totalement dépourvue, comme elle l’a montrée tout au long des débats. La société ne peut que reconnaître son impuissance à l’amender et doit se contenter de s’en protéger au mieux.