Un justiciable comme un autre ?

C’est un simple citoyen qui a été jugé et reconnu coupable en première instance d’association de malfaiteurs dans l’affaire du financement présumé frauduleux de la campagne présidentielle de 2007. Comme beaucoup d’autres justiciables anonymes, et malgré son appel du jugement, il devait cependant être incarcéré jusqu’à une décision éventuelle d’aménagement de sa peine. C’est désormais chose faite, puisque Nicolas Sarkozy s’est présenté à la prison de la Santé aux fins de mise sous écrou, non sans avoir mis en scène le départ de son domicile en saluant ses supporters rameutés par son fils cadet, Louis, venus le soutenir.

L’ancien Président de la République s’estime victime d’une erreur judiciaire, liée à un acharnement des magistrats dans les différentes affaires où il a été mis en cause, et il se dit persuadé qu’il finira par convaincre de son innocence l’opinion publique. Pour symbole de son combat contre de fausses accusations, il a choisi d’emporter dans sa cellule le roman d’Alexandre Dumas, « le comte de Monte-Cristo », tout en glissant de nombreuses allusions à l’affaire Dreyfus, injustement accusé de haute trahison. Si Nicolas Sarkozy ne revendique officiellement aucun traitement de faveur, il bénéficiera de facto de conditions de détention plus confortables que le commun des citoyens, ce qui ne me choque pas nécessairement. Ce qui est plus gênant, c’est la remise en cause de la Justice en tant qu’institution, qui se traduit par des menaces de mort à l’égard de certains magistrats, laissant entendre que l’ancien président devrait être au-dessus des lois. Encore faudrait-il que les responsables politiques, non seulement, respectent ces lois, mais encore se plient à un devoir d’exemplarité, en contrepartie des nombreux avantages que leur procurent leurs fonctions.

«Qui imagine un seul instant le Général de Gaulle mis en examen ? » s’était écrié en 2016 François Fillon, ancien Premier ministre, candidat à la Présidence de la République, devant les militants de son parti pour obtenir leur soutien contre son rival de l’époque, un certain Nicolas Sarkozy. François Fillon avait revêtu l’habit de Monsieur Propre, avant d’être lui-même rattrapé par des « affaires » pour lesquelles il se pourvoit encore en cassation. Il est exact de citer en exemple le désintéressement du Général, réputé payer l’électricité de l’Élysée sur ses propres deniers, sans pour autant adhérer à son exercice solitaire du pouvoir pendant son règne. Il n’est toutefois qu’une exception dans notre paysage politique français contemporain, alors que c’est une règle intangible dans la plupart des pays nordiques. Comme on le sait, cette intransigeance morale, qui a permis dans un premier temps à François Fillon de remporter l’investiture des militants à la primaire de la droite, se retournera contre lui après les révélations du scandale Bygmalion et du « Penelopegate ».