De la coupe aux lèvres

Ou des intentions à une action réelle. Les États-Unis tentent d’infléchir la politique israélienne depuis le début de ce que l’état hébreu a appelé une guerre pour éradiquer le Hamas, ce mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza. L’administration américaine tente de suivre une ligne de crête étroite pour ne perdre que le moins possible de terrain auprès des sympathisants des deux communautés en vue de l’échéance de l’élection présidentielle du 4 novembre prochain. D’une part, le président sortant a voulu réaffirmer le soutien « indéfectible » à l’État d’Israël, qui passe par la reconnaissance du droit de ce pays à riposter aux attaques qui lui seraient portées, d’autre part, il souhaite empêcher le gouvernement israélien de frapper aveuglément la population civile dans la bande de Gaza.

La solution retenue semblait évidente. Puisque c’est l’allié américain qui est pourvoyeur des armes utilisées par l’armée israélienne, il suffirait de fermer le robinet pour en tarir la source. C’est ce dont Jo Biden a menacé Benyamin Netanyahou, tout en continuant de fournir les missiles assurant la défense israélienne du « dôme de fer ». Pour le moment, après s’être dit déçu, le Premier ministre israélien a joué la provocation en affirmant pouvoir se défendre seul, si nécessaire, mettant en quelque sorte le président américain au défi de mettre ses menaces à exécution. Vis-à-vis de sa population, Netanyahou fera tout pour ne pas perdre la face, et accessoirement son propre pouvoir. Il s’est engagé à « nettoyer » la ville de Rafah et il compte bien le faire avant tout accord sur une trêve humanitaire. Son objectif principal reste la destruction du Hamas, et la libération des otages y a été subordonnée. Il ne peut pas ignorer ce que cela signifie pour la centaine de ses compatriotes qui seraient encore détenus par le Hamas, et il en accepte le prix sans le reconnaître publiquement.

Sans le tapis de bombes qu’il souhaiterait utiliser pour raser la ville, de nombreuses victimes civiles seront épargnées, mais l’armée devra reprendre chaque quartier, chaque maison, pied à pied, et elle subira nécessairement des pertes. La démographie étant ce qu’elle est, Israël ne peut pas gagner éternellement même en pratiquant la guerre asymétrique qui inflige des représailles à raison de 10 vies contre une. Il faudra bien, un jour ou l’autre, que les ennemis acceptent de s’assoir à la table de négociation. Et le rôle des États-Unis reste incontournable depuis l’origine du conflit. La balle est pour le moment dans le camp de Joe Biden, qui s’applique surtout à ne mécontenter personne, si tant est que ce soit possible. Netanyahou, de son côté, joue visiblement la montre, en escomptant un retour de Donald Trump qui lui donnerait un nouveau délai pour refuser toute négociation.