Berbères mais pas barbares…

Deuxième visite à Marrakech, j’ai pourtant eu l’impression de faire un autre voyage, car j’ai été autant sensible aux trésors architecturaux qu’aux rencontres humaines.

Chauffeurs de taxi, serveurs de restaurant, vendeurs du souk, guides, gardiens de musée, artisans… les échanges ont été directs, authentiques. Tous ont revendiqué avec fierté leur culture berbère dont je ne connaissais pas grand-chose. Après un de mes lapsus, l’un d’entre eux m’a dit : « Berbères, pas barbares » et pourtant !

Les Berbères, qui constituent un grand groupe ethnique de plusieurs tribus comme les Kabyles, les Touaregs, les Numides, doivent leur nom au mot grec barbaros signifiant celui qui ne parle pas la langue, et parle par onomatopées « bar-bar » devenu ensuite barbare. Ils sont les premiers habitants de l’Afrique du Nord, leur culture essentiellement orale qui a résisté à toute assimilation se transmet par les contes, les proverbes, les chansons. Au début païens, ils se laissent imprégner par différentes religions, et ils sont aujourd’hui aussi bien chrétiens, juifs ou musulmans. Leurs différents groupes ethniques fonctionnent avec un chef élu, leurs traditions restent très vivantes dans le monde moderne. La femme berbère ne cache pas son visage, le foulard est signe de pudeur, elle peut choisir son mari, elle peut aller vendre au marché, elle n’est jamais battue par son mari, elle peut hériter, mais moins que ses frères, elle peut demander le divorce, mais si elle se remarie elle ne peut garder ses enfants, car aucun autre homme que leur père ne peut les élever, elle ne peut habiter seule, veuve ou célibataire, elle retourne dans sa famille.

Aujourd’hui, elle travaille dans des coopératives protégées par l’État dans la préparation de l’huile d’argan par exemple, ou la récolte du safran, ou la vente de ses tapis, véritables œuvres d’art à travers lesquelles elle se raconte, elle se bat pour une alphabétisation la plus large possible, condition de son émancipation. Mais trop souvent, elle reste au bled avec les enfants, attendant la visite du mari qui travaille en ville pour un salaire moyen de 250 € par mois, sept jours sur sept, grappillant de temps en temps un jour de congé.

Les hommes sont de prodigieux artisans, dans le travail du cuir (ils tannent les peaux de moutons et de chèvres, celles de chameau et de vache sont laissées aux Arabes), de la céramique avec l’art des zelliges qui ornent tous leurs palais et mosquées comme celle de la Medersa Ben Youssef ou de la Koutoubia, de la poterie, du métal… Ils pratiquent l’élevage, surtout chèvres et moutons, cultivent les légumes et vendent leurs produits, base d’une cuisine parfumée, subtile et variée sur les marchés berbères.

L’hospitalité est un devoir sacré, personne ne peut refuser l’offre du thé, et j’ai eu le plaisir d’assister à sa préparation et à sa dégustation dans une maison berbère dans la vallée de l’Ourika qui mène dans les montagnes, là où ils se sont réfugiés pour protéger leur culture lors de la domination arabe. Leur accueil est chaleureux et sans réserve, leur tolérance leur fait côtoyer Arabes et Juifs sans aucune tension, et échanger avec intérêt avec le touriste autour de leur culture, et le bakchich traditionnel qui termine le dialogue, n’enlève rien à la richesse de l’échange.

L’invitée du dimanche