L’Amérique d’abord !

Allez, octroyons-nous une petite récré dans une semaine un peu déprimante sur les affaires domestiques. C’est le moment de ressortir la bonne vieille formule attribuée à Talleyrand : « quand je me considère, je me désole, quand je me compare, je me console ». L’Amérique selon Trump peut, au choix, nous faire froid dans le dos, ou nous inspirer un abîme de réflexion sur le fonctionnement d’une démocratie. On ne sait plus trop par quel bout commencer, tant le nouveau président s’applique à dépasser le mur du çon, comme dirait la comtesse.

Parlons-en, tiens, du fameux mur que les Mexicains s’obstinent à refuser de payer, alors qu’il les protègerait du fléau des colas et des burgers, les ingrats. Jean-Pierre Elkabach, du fond de sa retraite, serait fondé à poser la question à Donald Trump : de quelle couleur le voudrait-il ? Car le gouffre financier qu’il représente rend sa construction fort hypothétique. Mais ce n’est qu’un des revers essuyés par le président orange depuis son accession au pouvoir suprême. Il s’est heurté à l’obstination des juges qui se refusent à entériner purement et simplement son décret discriminatoire envers les pays musulmans accusés de propager le terrorisme, à l’exception notable de l’Arabie Saoudite, trop riche pour être bannie. C’est déjà ennuyeux de ne pas pouvoir mettre au pas le pouvoir judiciaire, c’est encore plus dommageable que cela se sache. Donald Trump s’est donc décidé à tenter de discréditer la presse tout entière, coupable selon lui de diffuser de fausses nouvelles, entendez de ne pas relayer la bonne parole présidentielle, qui s’écoule à longueur de tweets sur les réseaux sociaux. Dans un monde idéal, Donald Trump rendrait la justice sous un chêne et distillerait lui-même les seules informations utiles, les siennes, à sa seule louange, pour l’édification du peuple.

Car c’est au nom du peuple, naturellement, que Donald Trump est prêt à sacrifier sa liberté la plus élémentaire : le droit à être informé. La presse, qui n’est pas encore muselée comme dans les dictatures assumées, est accusée de mentir aux Américains, dont elle serait l’ennemie par un syllogisme puéril : elle n’est pas mon ennemie, elle est le vôtre puisque s’attaquer à moi, c’est s’attaquer à vous. Il tente ainsi de faire oublier un de ses échecs patents : la démission forcée du général Michael Flynn du poste prestigieux de conseiller à la sécurité nationale après les révélations sur ses contacts avec la Russie pendant la période de transition. Il aurait plus ou moins trahi « par inadvertance » la confiance que le vice-président avait mise à l’intérieur de lui-même. La situation aux États-Unis éclaire d’un jour nouveau les déclarations qui visent à dénoncer en France le pouvoir de la presse et celui des juges au profit du seul suffrage universel.