Zigzags

Quand on a fait de la disparition du clivage droite gauche son fonds de commerce, il faut bien donner des gages aux deux électorats, même si c’est au prix d’une gymnastique intellectuelle parfois compliquée. Dans un premier temps, on a pu se demander quelle mouche avait piqué Emmanuel Macron d’aller rendre visite à l’Algérie, dans le but exclusif, semble-t-il, de réussir un « coup » médiatique. En déclarant que la colonisation avait été un crime contre l’humanité, le candidat savait pertinemment qu’il agitait un chiffon rouge devant la droite et l’extrême droite.

Cela n’a pas raté. Le Front national et Les républicains ont chargé comme un seul homme, profitant du caractère volontairement excessif des propos de Macron, qui reviennent à amalgamer les colonisateurs français aux nazis ou aux génocidaires de Yougoslavie ou du Rwanda. Le gros avantage de cette provocation, c’est d’acquérir à peu de frais un brevet d’anticolonialisme et un certificat de progressiste propre à lui attirer la sympathie des électeurs traditionnels de la gauche, espère-t-il apparemment. Opération en partie réussie seulement, tant la ficelle apparait grosse, excessive et tombant du ciel sans raison particulière. D’autant plus qu’après ce coup de barre à gauche, Emmanuel Macron s’est empressé de repartir à droite toute, en défendant la « manif pour tous », victime, selon lui, du mépris de son propre gouvernement, qui aurait « humilié » cette partie de la France. Au cas où l’on n’aurait pas bien compris, il précise qu’il admire « l’entrepreneur culturel » qu’est Philippe de Villiers avec son Puy du Fou et qu’il dialogue avec Éric Zemmour malgré leurs « désaccords ».

Le candidat Macron aura atteint son objectif principal qui est d’occuper le terrain, très encombré par les péripéties juridiques de François Fillon. Une stratégie qui rappelle furieusement celle de Sarkozy en son temps, qui créait de toutes pièces un évènement par jour, quand il ne se saisissait pas du moindre fait-divers pour en faire un projet de loi. C’est d’ailleurs dans le programme sécuritaire de la droite que le candidat d’En marche a puisé l’essentiel de ses propositions concernant la justice. Il se promet de construire au moins 15 000 places de prison supplémentaires, un coup à droite, et de punir sévèrement les violences policières, un coup à gauche, tout en prônant la « tolérance zéro » à l’égard de la délinquance, encore un coup à droite. Pour l’instant, il bénéficie de la faiblesse de François Fillon, mais à force de vouloir contenter tout le monde et son père, il se pourrait bien qu’il finisse par déplaire à chacun. En politique comme en géométrie, la ligne droite reste le plus court chemin d’un point à un autre.