Le déjeuner

Rendons grâce à François Fillon. Son obstination à vouloir à tout prix représenter sa famille politique au risque de la faire perdre durablement nous aura permis de renouer avec le meilleur ennemi de la gauche, la providence des chroniqueurs, j’ai nommé Nicolas Sarkozy. Quel meilleur spécialiste des casseroles judiciaires, à l’exception peut-être de Dominique Strauss-Kahn, aurait pu consulter le candidat embourbé dans des procédures interminables ? Si quelqu’un peut le conseiller dans l’art et la manière de nier la réalité et d’affirmer avec aplomb qu’il est aussi innocent que l’agneau qui vient de naître, c’est bien l’ancien président.

Car, pour l’instant, malgré ses nombreuses affaires encore pendantes et ses mises en examen, Nicolas Sarkozy est toujours en liberté. Sera-t-il condamné un jour ? on n’en est même pas sûr. Pour peu que ses avocats réussissent à faire trainer encore les procédures, il pourrait finir par obtenir la prescription des faits qui lui sont reprochés, même si son rêve de reconquête du pouvoir semble désormais définitivement compromis, quoique, avec les Français, la malhonnêteté ne parait pas un vice rédhibitoire comme en témoignent les réélections des Balkany et consorts. Donc, François Fillon a sollicité et obtenu un déjeuner avec son rival pour discuter des pratiques qu’il lui a abondamment reprochées pendant les primaires, quand il se présentait comme le chevalier blanc, sans peur et sans reproche, et obtenir le soutien de l’appareil du parti qui lui fait largement défaut en ce moment. Le jeune Padawan est donc allé prendre conseil auprès de son maitre Yoda, qui lui aurait dit, en substance : « la majorité pénale à 16 ans, tu défendras ! »

Ce déjeuner m’en rappelle un autre, peint par Édouard Manet, et qui fit scandale à son époque du fait de son sujet. Dans « Le déjeuner sur l’herbe », on voit en effet une femme nue aux côtés de deux hommes habillés, tandis qu’une autre femme, au second plan, se baigne en petite tenue. Avant son titre définitif, la toile porta le nom de « Le bain », puis « La partie carrée ». Nul besoin de beaucoup d’imagination pour transposer la scène en une allégorie contemporaine. Les deux dandys de Manet ont les traits de Sarkozy et de Fillon, tandis que l’obscur objet de leur désir n’est autre que Marianne. Le pique-nique du premier plan, avec les fruits et le pain, négligemment renversés, symbolise les profits que l’un et l’autre escomptent bien retirer de leur entente. Reste à savoir si la République voudra se montrer bonne fille avec ces aigrefins, qui lui promettent toujours monts et merveilles, mais qui savent surtout se servir au passage.

Commentaires  

#1 jacotte 86 16-02-2017 11:09
dans cette allégorie qui est la République? celle qui est nue vulnérable supposée prête à se faire avoir, ou celle en embuscade dans le bain ayant gardé encore un peu de dignité ?
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