
Coupable, forcément coupable
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 16 octobre 2025 11:26
- Écrit par Claude Séné

Depuis que Marguerite Duras a lancé son apostrophe célèbre sur la responsabilité supposée de Christine Villemin, « sublime, forcément sublime », dans la mort du petit Gregory, son fils, retrouvé sans vie dans la Vologne, il y a exactement 41 ans, on a été tenté de la paraphraser dans toutes les affaires criminelles non élucidées formellement. C’est le cas du procès Jubillar qui se tient actuellement et qui est rentré dans sa phase ultime, avec les réquisitions et les plaidoiries attendues de la défense. Dans une affaire où il n’existe pas de preuves matérielles, ni même de certitude de la mort de la victime, ni de scène de crime ni d’aveux, tout converge cependant vers la culpabilité du mari.
La personnalité de Cédric Jubillar ne plaide pas en sa faveur, mais ne permet pas de conclure à son innocence. Il se dit lui-même accusé à tort parce qu’il serait « un coupable idéal ». Or, dans notre droit, le doute doit profiter à l’accusé. Les réquisitions de l’avocat général ne doivent donc laisser aucune place à la moindre incertitude. C’est pourquoi il martèle sa conviction profonde de la culpabilité de Cédric Jubillar et il demandera une peine exemplaire de 30 ans. De son côté, la défense plaidera l’acquittement pur et simple, car il ne peut pas y avoir de demi-mesures dans un tel dossier. Si la culpabilité pleine et entière n’est pas acquise pour l’intime conviction de la Cour, alors elle devra en tirer la conséquence et libérer Cédric Jubillar, quoi qu’elle pense de la personnalité ou des attitudes éducatives du père de famille, pointées par une lettre de son fils, âgé actuellement de 11 ans. Si c’était le cas, Cédric Jubillar pourrait même obtenir des dommages et intérêts pour les années passées en détention provisoire.
Mais nous n’en sommes pas là, tant s’en faut. D’autres affaires ont été jugées avec des fortunes diverses malgré l’absence de corps ou de preuves formelles. Jacques Viguier, soupçonné d’avoir fait disparaître sa femme, a été acquitté, mais Maurice Agnelet a été condamné à 20 ans en dernière instance pour le meurtre d’Agnès Le Roux, tout comme Guerric Jehanno, qui a écopé de 30 ans en cassation pour la disparition d’Amandine Estrabaud. C’est ce qui a permis à l’avocat général de dénier à Cédric Jubillar la possibilité d’avoir commis « un crime parfait » en faisant disparaître le corps de Delphine. C’est d’ailleurs le point le plus faible de la défense. Si Cédric Jubillar n’a jamais fait d’aveux devant un magistrat, il aurait fait des confidences à une ou plusieurs compagnes rencontrées pendant sa détention, ainsi qu’à un co-détenu. Si ce ne sont pas, stricto sensu, des preuves de sa culpabilité, elles participent grandement au « faisceau d’indices et de présomptions » qui pourraient convaincre la justice et l’opinion.