Bénéfices collatéraux

La campagne présidentielle était déjà comme anesthésiée par le refus persistant du président sortant de déclarer sa candidature, malgré tous les signes extérieurs qui prouvaient son intention d’y participer. Elle subit désormais les effets de la guerre déclenchée en Ukraine du fait de l’agression décidée par Wladimir Poutine. Si l’on ne peut pas soupçonner Emmanuel Macron d’avoir la moindre responsabilité dans le déclenchement de ce conflit, il est indiscutable qu’il a l’intention cynique d’en tirer tout l’avantage possible en vue de sa réélection. Mécaniquement, sa position de président en exercice lui assure une rente de situation, d’autant plus forte qu’il a tenu à assurer son rôle de la présidence tournante de l’Union européenne, malgré les conflits d’intérêts évidents.

Tous les candidats se sont déclarés contre l’intervention russe en Ukraine, ce qui permet à Emmanuel Macron de faire appel à une union sacrée contre l’agresseur. C’est la raison de la déclaration qu’il va adresser au parlement afin de présenter les sanctions décidées contre la Russie. Sous couvert de démocratie, il va pouvoir se targuer d’avoir l’accord, peut-être unanime, des différents groupes parlementaires. C’est dans le même esprit qu’il va consulter les deux anciens présidents, François Hollande et Nicolas Sarkozy, non pour tenir compte de leur avis, qui ne fait guère de doute, mais pour montrer sa largeur d’esprit. Le seul point faible de sa stratégie, c’est l’échec patent de ses tentatives de médiation entre l’Ukraine et la Russie. Ses entretiens bilatéraux avec les présidents des deux pays n’ont pas permis d’éviter la guerre, les Français ont le sentiment très net et justifié qu’il s’est fait rouler dans la farine par le dictateur russe. Il aura du mal à convaincre l’opinion de l’efficacité de son dernier appel téléphonique où il affirme avoir dit son fait au président Poutine.

À en croire le clan du président, Macron n’a même pas besoin de faire campagne. Tout juste faudra-t-il qu’il trouve une occasion avant la date limite du 4 mars de se déclarer, sans doute d’une phrase, voire d’un mot comme Mitterrand en 1988, qui répondait d’un simple oui à la question posée par le journaliste Henri Sannier. Avant que la guerre ne vienne bouleverser tout l’échiquier politique, on s’acheminait pourtant vers un scénario de type « boules puantes » comme trop souvent en France. À défaut d’un bon scandale bien croustillant comme celui qui entourait la candidature Fillon, avec le pénélopegate notamment, on voyait se profiler des soupçons d’emploi fictif du côté de Fabien Roussel, et une accusation de fraude dans la désignation de Valérie Pécresse par le congrès des Républicains. Ces révélations publiées par des journaux de gauche, Mediapart et Libération, pouvaient gêner considérablement la campagne de ces candidats, et consolider la position du président sortant. Il n’en a plus besoin aujourd’hui.