Mélange des genres

La consanguinité entre journalistes et politiques est un phénomène qui n’est plus à démontrer. La fascination réciproque entre ces métiers qui octroient notoriété et pouvoir explique la formation de ces couples « mixtes », parfois célèbres, parfois moins connus, mais qui créent généralement les conditions d’un conflit d’intérêts. C’est pourquoi la présentation à l’antenne d’i24News de « l’affaire Blanquer » par sa propre compagne, la journaliste Anna Cabana, a beaucoup surpris. Non pas que leur liaison soit un scoop puisqu’elle a été révélée publiquement en juillet 2020, mais bien parce que l’objectivité de la présentatrice et son recul nécessaire étaient impossibles à tenir.

Sans aller jusqu’à un retrait complet de l’antenne, comme Léa Salamé lorsque Raphaël Glucksman a fait campagne pour les élections européennes, elle aurait très bien pu confier le traitement de cette information à quelqu’un d’autre, ou préciser ses liens avec le principal intéressé. D’autant plus qu’elle semble avoir partagé cette escapade à Ibiza, qu’on pourrait presque comparer à un voyage de noces, mais je m’égare. Très souvent, l’argument féministe a permis d’éviter de s’interroger sur les conflits d’intérêts engendrés par ces situations. En effet, pourquoi les femmes devraient-elles sacrifier leur carrière pour permettre à leurs conjoints, maris ou compagnons de développer la leur ? Les contre-exemples existent cependant, avec le retrait partiel de Thomas Sotto à cause de sa relation avec Mayada Boulos, conseillère du Premier ministre Jean Castex. Dans un autre registre, Audrey Pulvar, un temps en couple avec Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, a fini par se consacrer à la politique après s’être séparée de son compagnon.

C’est un sujet différent, mais qui présente des similitudes, que celui du maintien à l’antenne de Jean-Jacques Bourdin, le présentateur vedette de RMC et BFMTV, qui animait la nouvelle émission « La France dans les yeux », alors qu’il est visé par une plainte de tentative d’agression sexuelle. L’invitée du jour, Valérie Pécresse, a tenu à faire une déclaration liminaire sur son soutien aux femmes victimes et leur droit à demander justice. Inexplicablement, cette demande a été acceptée telle quelle par la chaîne qui a laissé le journaliste se débrouiller avec cette situation intenable. Là aussi, un retrait aurait été plus judicieux, le journaliste ne pouvant pas s’interviewer lui-même, étant juge et partie sur ce point. La candidate, qui n’a pas toujours été claire dans des affaires similaires, a ainsi pu s’acheter à bon compte une image de défenseure des droits des femmes, tout en soutenant mollement la présomption d’innocence. Une manœuvre inattaquable, déontologiquement parlant, aux frais du journaliste dont l’avenir dira peut-être s’il l’a mérité ou non. Anne Nivat, compagne de Jean-Jacques Bourdin, grand reporter qui a remporté le prix Albert-Londres en 2000, a cependant dénoncé l’instrumentalisation politique et le coup de com' de la candidate, en s’en remettant à la justice.