Ibizagate

Depuis 1972 et le scandale de l’espionnage du parti démocrate par les Républicains du président en exercice Richard Nixon dans l’immeuble du Watergate à Washington, il est devenu d’usage de désigner les affaires d’état du nom de leur lieu d’origine affublé de l’extension « gate ». Cela a le mérite d’être immédiatement reconnu pour ce que c’est et de frapper l’opinion publique. Je vous avouerai que j’ai dû me pincer quand j’ai appris que le ministre de l’Éducation, déjà sur la sellette pour sa gestion erratique de la crise sanitaire, n’avait rien trouvé de mieux que de dévoiler son dispositif pour l’école depuis sa résidence de vacances à Ibiza, lieu emblématique de la fiesta et de la nouba.

Pourquoi pas le Moulin rouge ou les Folies Bergères, d’ailleurs, histoire de redonner des couleurs à une industrie de la nuit qui en manque singulièrement à cause de la pandémie ? Comment un ministre peut-il être aussi naïf pour ne pas savoir que tôt ou tard, son interview, donnée à distance à un journal disponible sur abonnement, autre maladresse insigne, serait repérée et géolocalisée ? Le symbole est très lourd. On imagine le ministre griffonnant son plan sur un coin de table dans une boîte de nuit, donnant ses directives la veille pour le lendemain, tandis que les enseignants, et notamment les directeurs d’école, font des heures sup le dimanche pour préparer la rentrée du lundi, car ils n’ont pas le choix, eux. Le ministre a beau répéter qu’il n’a enfreint aucune règle, qu’il avait le droit de prendre un peu de vacances, qu’il était toujours dans l’Union européenne et à moins de deux heures de Paris, qu’on pouvait le joindre en cas de besoin, le simple pékin juge qu’il aurait pu et dû s’organiser autrement. Il a visiblement sorti à la hâte un plan tellement compliqué qu’il a fallu le corriger deux fois, dont il n’est probablement pas l’auteur et qu’il comprend à peine lui-même, d’où ce sentiment pas forcément injustifié qu’il paie pour les autres, et notamment pour le ministre de la Santé, largement aussi responsable que lui de la confusion générale.

Jean-Michel Blanquer se défend du procès en dilettantisme qui lui est fait en affirmant qu’il travaillait, même à distance. Il aurait mieux fait de préparer son affaire en amont et de se reposer ensuite sans se pousser du col en restant tranquillement chez lui, avec la bonne conscience du devoir accompli. Il a d’ailleurs reconnu une erreur dans le choix de sa villégiature, croyant ainsi faire la part du feu. On sait pourtant que dans le cas du Watergate, c’est l’implication personnelle du président dans l’affaire connexe des enregistrements clandestins dans le bureau ovale qui amènera la chute puis la démission de Richard Nixon. En voulant couvrir un péché véniel, Nixon s’est enferré dans un entrelacs inextricable de mensonges d’état. Petite cause, grands effets.

Commentaires  

#1 jacotte86 19-01-2022 16:36
je te trouve dur! Ibiza en hiver c'est pas terrible...et puis les chorégraphies et la danse c'est pas son truc!!!
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