La guéguerre des chefs

Et revoilà Édouard Philippe. Depuis son départ de Matignon, il n’était sorti de sa mairie du Havre que pour annoncer en octobre dernier la création de son parti, dont le nom, évocateur, d’Horizons, était supposé préfigurer un avenir radieux pour son fondateur. Ce qui n’avait pas empêché l’ancien Premier ministre, qui bénéficie d’une cote de popularité qu’à mon sens rien ne justifie, de poursuivre ses manœuvres souterraines et de se poser en successeur, voire en concurrent de son mentor, Emmanuel Macron.

Les relations entre un président et son Premier ministre sont souvent très ambivalentes. Quand François Mitterrand se résout à nommer Michel Rocard à ce poste, leurs relations sont exécrables, et il escompte un échec annoncé pour se débarrasser d’un rival potentiel. Parfois, le Premier ministre accepte un statut de subalterne, « je décide, il exécute », à la façon de Jean Castex, mais le plus souvent l’arrivisme est le plus fort, malgré des fortunes diverses. Songeons aux ambitions déçues d’un Manuel Valls, qui s’y voyait déjà alors qu’il n’en avait pas l’étoffe. La règle la plus générale, s’il en existe une, semble être celle de la trahison et du meurtre symbolique du père. Georges Pompidou se déclarant candidat à Rome, contre le général de Gaulle, Jacques Chirac appelant à voter pour François Mitterrand en 1981 contre Valéry Giscard d’Estaing, qu’il avait pourtant aidé à accéder au pouvoir en 1974, Nicolas Sarkozy misant sur le mauvais cheval (Édouard Balladur) en 1995, la liste serait longue depuis le « toi aussi, mon fils » prononcé par Jules César à l’adresse de Brutus lors de son assassinat.

Édouard Philippe s’est voulu « loyal » à l’égard du président pendant l’exercice de ses fonctions et après avoir quitté son poste. Cela masque certaines divergences apparues au sommet de l’état, par exemple sur la question des limitations à 80 Km/h, voulues par Édouard Philippe, quand Emmanuel Macron souhaitait, à l’époque, éviter « d’emmerder les Français ». De larvés les conflits sont devenus plus visibles. Le parti de l’ancien premier ministre a été convié à faire partie de « la maison commune » supposée rassembler tous les soutiens de la majorité présidentielle en vue des élections législatives. Toutefois, le président s’est opposé au projet de fusion d’Horizons avec le parti de Franck Riester, ministre en exercice, Agir, qui lui aurait ouvert les portes d’un financement public grâce à son groupe parlementaire. Horizons reprend donc sa liberté et la possibilité de présenter ses propres candidats aux législatives, qui s’annoncent très délicates pour les sortants En Marche. Édouard Philippe, qui a annoncé qu’il ne présenterait pas contre Emmanuel Macron, prépare le coup d’après, celui de 2027, et espère se bâtir un socle de députés dès le prochain quinquennat pour peser sur la majorité actuelle. Et si par hasard Emmanuel Macron n’y allait pas, il serait prêt dès avril prochain.