Attention danger

La dernière sortie du candidat Éric Zemmour, si elle était destinée à faire parler de lui, a réussi au-delà des intentions de l’intéressé. Pourtant, le polémiste s’exprimait en comité restreint avec des enseignants sur la situation des enfants handicapés et leur scolarisation. Un sujet où il est facile de critiquer l’action gouvernementale, insuffisante depuis longtemps et peut-être depuis toujours. L’accueil des enfants en situation de handicap se heurte à divers obstacles. Le manque de formation des enseignants reste cruellement un souci, même si le regard de la société en général a un peu changé.

Cette évolution a, semble-t-il, échappé totalement au polémiste d’extrême droite, qui préfère prôner une éducation séparée en scolarisant les enfants handicapés dans des structures spécialisées. Ce qui est problématique, ce sont les arguments employés pour justifier cette position. D’une part, Éric Zemmour considère que le système est « noyauté » par des partisans de l’inclusion à tout crin, ce qui est loin d’être démontré, même si ces idées progressent. D’autre part, il estime que l’intégration se fait au détriment des autres enfants, qui seraient ainsi négligés, sans profit pour les élèves handicapés, « dépassés par les évènements ». Tout ceci serait le produit d’une idéologie « égalitariste ». S’il y a quelque chose que l’on ne peut pas reprocher à Éric Zemmour, c’est de défendre l’égalité entre les humains, lui qui passe son temps à pourchasser ceux qui ne sont pas nés au bon endroit et qui ne portent pas le bon prénom.

On pouvait pourtant dire bien des choses en somme. Que les auxiliaires de vie scolaire et les accompagnants des élèves en situation de handicap étaient en nombre insuffisant, mal payés et soumis à des horaires compliqués. Que la sensibilisation des enseignants à la situation de handicap occupe une place ridiculement restreinte dans la formation initiale. Que le corps des enseignants spécialisés est très largement sous-dimensionné. Que les places en établissements spécialisés réclamés par le candidat sont notoirement insuffisantes, et qu’il faut patienter des années pour espérer y avoir accès. Il est donc impensable de généraliser leur implantation pour régler la question de la prise en charge du handicap. Bref, tous ceux qui s’y connaissent un minimum sur le sujet lui sont tombés dessus, à juste titre. Non seulement il a démontré une grave méconnaissance des réalités du terrain, mais il a donné l’impression, désastreuse, de vouloir exclure les enfants qu’il prétend aider en les éloignant de la société « ordinaire ». Il a eu beau tenter de nuancer son propos, qu’on aurait comme d’habitude déformé et sorti de son contexte, les Français risquent de lui en tenir rigueur. On n’aime pas beaucoup que l’on touche, même pour rire, ni aux enfants ni aux handicapés. Patrick Timsit, qui avait tenté le coup avec un sketch très discutable sur les enfants atteints de trisomie 21, a mis longtemps à remonter la pente.