Ça ne va pas être possible

Jusqu’à présent, lorsque les Français réclamaient des améliorations de leur situation, ils recevaient invariablement des fins de non-recevoir en forme de discours de videur à l’entrée de la discothèque, sous prétexte qu’ils n’avaient pas la tenue adéquate ou qu’ils ne se présentaient pas suffisamment poliment. Les réponses gouvernementales s’appuyaient sur une pseudo logique économique que l’on exprime en franglais par la devise dite Tina, there is no alternative. Une formule employée plus souvent qu’à son tour par Margaret Thatcher pour justifier sa politique d’une main de fer dans un gant d’acier.

La pandémie du Covid-19, malgré ses terribles ravages, aura permis de mettre au jour que les états disposaient en réalité de certaines marges de manœuvre économiques, et que tout était affaire de choix politiques et de priorités. Pour sauver les entreprises menacées, le gouvernement a utilisé la mobilisation massive des moyens de l’état, par centaines de milliards, 240 milliards selon le ministre de l’Économie cet été au moment où il en annonçait la fin ou au moins la diminution. Évidemment, il a fallu pour cela faire exploser la règle arbitraire d’un déficit budgétaire limité à 3 % du PIB décidé sur un coin de table sans le moindre fondement économique. Contrairement aux prédictions apocalyptiques qui auraient dû s’ensuivre, la situation économique du pays s’en est plutôt bien trouvée. Cette injection de liquidités a eu un effet positif sur l’activité et le chômage a légèrement diminué, au moins dans les statistiques officielles.

De la même façon, le ministre de l’Éducation nationale, dont le calendrier surchargé ne lui permettait pas de recevoir les syndicats enseignants, a miraculeusement réussi à dégager un créneau pour écouter leurs demandes, ainsi que celles des parents d’élèves, et, encore plus fort, il a fait droit à une partie des revendications en lâchant un peu de lest sur des points secondaires. On est encore loin du compte sur les salaires et les conditions de travail, mais la proximité des élections présidentielles a visiblement fait son œuvre. En début de quinquennat, même un mouvement d’ampleur comme la grève très suivie jeudi n’aurait reçu en réponse qu’un silence poli confinant au mépris. Au mieux, le gouvernement se serait fendu d’un colloque ou d’un comité Théodule, comme d’habitude. Le ministre a même reconnu qu’il avait pu commettre des maladresses. Je lui confirme que son expression « faire grève contre le virus » n’était pas du meilleur goût et ne pouvait qu’attiser les rancœurs et les frustrations. Mais enfin, cette sorte de mea culpa ne peut pas faire de mal, si l’on compare avec la gestion des conflits sociaux en général et celle des gilets jaunes en particulier, où le pouvoir a joué la carte du pourrissement. Cette fois, il affiche une certaine volonté de dialogue. Les intéressés attendent maintenant les actes.