L’émule du Pape

Qu’on me pardonne cet à-peu-près qui m’est venu en entendant les propositions de Christian Estrosi destinées à « emmerder » encore un peu plus les non-vaccinés. L’exemple étant venu de haut, le nouveau zélote du pouvoir en place se lance dans la surenchère en proposant de confiner les réfractaires à la vaccination et de leur supprimer les allocations chômage, ce qui indique au passage un amalgame douteux et hâtif sur le lien supposé entre pauvreté et refus des vaccins. Il fait écho à la première déclaration d’Emmanuel Macron qui prétendait avoir été alerté par des soignants exaspérés de devoir passer leur temps à s’occuper de gens qui refusaient la vaccination.

Cette prise de position, non assumée par le président, qui ment sciemment, laisse entendre que les antivax pourraient être abandonnés à leur triste sort, ce qu’aucun médecin digne de ce nom ne saurait envisager, même une seconde. Le maire de Nice, lui, ne s’embarrasse pas de nuances et désigne à la vindicte populaire les fauteurs de trouble qu’il conviendrait de mater et de faire marcher au pas, de l’oie, si nécessaire. Christian Estrosi n’en est pas à son coup d’essai, lui qui a proposé le rétablissement de la peine de mort en 1991, avant de revenir à une raison relative. Il a revendiqué l’exemple du Québec pour justifier les sanctions contre les opposants à la vaccination, et il y a en effet dans la « belle province » une dérive fort inquiétante pour obliger les Québécois à se faire vacciner. Il faudra justifier de ses injections pour accéder aux commerces jugés non essentiels et s’acquitter d’une forte taxe destinée à financer les soins supplémentaires occasionnés par leur choix de refuser le vaccin. Jusqu’à la justice qui a suspendu les droits de visite d’un père au motif qu’il n’était pas vacciné et pouvait contaminer son enfant s’il lui était confié.

Sur le plan des principes, une décision telle que la propose Christian Estrosi pour se faire bien voir du président dont il espère la réélection et les 30 deniers de la trahison de sa famille d’origine ouvre la porte à d’autres attitudes tout aussi contestables. Refusera-t-on l’accès aux soins des fumeurs qui mettent sciemment leur vie en danger, ou toute autre victime de comportements addictifs ? Cette hypothèse n’est pas aussi absurde qu’il y parait. Ne faut-il pas déjà un salaire convenable pour se payer une mutuelle digne de ce nom, qui permet un accès aux soins plus complet ? nous n’en sommes pas, heureusement, aux errements constatés aux États-Unis, mais les disparités sont évidentes. Les antivax en France se trompent de combat en s’en prenant à un supposé conglomérat ayant comme but unique de les endoctriner et les forcer à se soumettre à des puissances maléfiques, mais ils lèvent un lièvre bien réel, celui des opportunistes qui saisissent l’occasion de creuser les inégalités pour servir leur intérêt personnel.