Le soldat Blanquer

C’était jusqu’à un passé récent le fleuron de la Macronie, l’employé du mois du quinquennat, promu par la femme du président et adoubé par lui, quand, patatras ! voilà qu’il s’est égaré et pendant quelques heures, restés sans nouvelles de lui, ses collègues et supérieurs ont pris le relai sans ménagements. Ce n’est que tout récemment que le porte-parole du gouvernement s’est avisé qu’il fallait sauver le soldat Blanquer, et s’est fendu d’un soutien qui ne trompera personne. À 3 mois d’une échéance électorale majeure, le président, quoi qu’il en pense dans le secret de sa réflexion personnelle, ne peut pas décemment lâcher en rase campagne un de ses fidèles.

Ceux qui demandent la démission du ministre de l’Éducation en seront donc pour leurs frais, si tant est qu’ils aient cru un seul instant qu’Emmanuel Macron pourrait sacrifier ce pion au risque de perdre la partie. Pour la plus grande part, le mal est déjà fait avec cette grève qui promet d’être massive et qui démontre l’exaspération des enseignants devant l’impéritie de leur hiérarchie, mais aussi le ras-le-bol des parents confrontés à des directives incompréhensibles et inapplicables. Le plus grand titre de gloire de Jean-Michel Blanquer c’est d’avoir maintenu les écoles ouvertes contre vents et marées, sans se préoccuper des conséquences sanitaires ni se soucier du bien-être des principaux intéressés, les enfants, ainsi que des adultes composant la communauté éducative. Pour paraphraser Alfred de Musset, il faut qu’une école soit ouverte ou fermée. L’entre-deux, ou le « en même temps » trouvent ici leurs limites. Laisser la porte entr’ouverte ou entrebâillée est le meilleur moyen de cumuler les inconvénients des deux systèmes, voire d’attraper un rhume.

Jean-Michel Blanquer n’a pas tort de se plaindre du manque de solidarité de son collègue de la Santé, qui se la joue perso dans l’espoir d’une promotion dans un futur nouveau quinquennat, mais il a fait lui-même le lit de son impopularité dans le milieu enseignant. Qu’avait-il besoin de participer à un colloque parfaitement inutile sur la prétendue place prépondérante de l’islamogauchisme, une notion fabriquée de toutes pièces pour discréditer l’université française qui serait noyautée par les tenants du wokisme, de la « cancel culture » et de l’écriture inclusive ? Quant aux protocoles sanitaires, il est visible qu’il n’y connait rien, obnubilé par le mantra qu’on lui a imposé de garder les écoles ouvertes quoi qu’il en coûte, et jusqu’au dernier enseignant valide. Car ce qui a changé avec ce variant omicron, c’est sa contagiosité galopante, dont on ne sait pas jusqu’où elle peut aller. Les enfants resteront peut-être présents, mais à quel prix ? Et pour quels apprentissages ? Le président Macron a été contraint de reconnaître « qu’il n’existe pas de système parfait ». Merci pour l’euphémisme, on avait remarqué. Le système éducatif, comme celui de l’hôpital, pourra-t-il tenir encore longtemps sur ses béquilles ? Une élection peut se gagner ou se perdre pour moins que cela.