Nous partîmes 500

Vous connaissez la célèbre tirade extraite du Cid de Pierre Corneille où le héros raconte comment, d’une poignée de fidèles il fait une armée déterminée et réussit à vaincre l’ennemi mauresque. En ce moment, pour plusieurs candidats à l’élection présidentielle, la question n’est pas de débuter avec 500 soutiens, mais de réunir autant de signatures de parrainages d’élus locaux pour avoir le droit de concourir. Cette règle destinée à empêcher les candidatures farfelues est aussi ancienne que l’élection du président au suffrage universel consacrée par le référendum de 1962, mais elle a évolué dans le temps.

Au départ, il suffisait de 100 parrains pour être autorisé à se présenter. Une règle jugée trop peu sévère par le pouvoir gaulliste puisqu’elle n’avait pas empêché un illustre inconnu, Marcel Barbu, de faire campagne et de concourir, pour un modeste résultat de moins de 1 %. Honnêtement, à part Charles de Gaulle qui le traitait avec condescendance de « brave couillon » et souffrait d’être en concurrence avec un candidat trop peu prestigieux, ni Jean Lecanuet, ni Jean-Louis Tixier Vignancourt, ni Pierre Marcilacy, ni enfin François Mitterrand, qui se qualifiait pour le 2e tour, n’ont eu à se plaindre de la présence du premier « petit candidat ». Les règles, déjà contraignantes au départ, n’ont cessé de se durcir au fil du temps. Le nombre de parrains a été porté à 500, et leur choix a été rendu public, au risque de dissuader les parrains potentiels de soutenir quelque candidat que ce soit. De plus, les parrains doivent désormais adresser eux-mêmes leur déclaration au Conseil Constitutionnel au lieu de la confier au candidat. Le résultat le plus clair de ces contraintes, c’est que seul un tiers des 42 000 « parrains » potentiels a effectivement « présenté » un candidat en 2017 et qu’au moins trois des candidats déclarés, Jean-Luc Mélenchon, Éric Zemmour et Marine Le Pen, ne sont pas encore certains de réunir leurs 500 signatures.

Dans le même temps, mécaniquement, Anne Hidalgo, pour qui les intentions de vote ne décollent toujours pas, est assurée d’avoir largement plus de parrainages que nécessaire, grâce au soutien du PS qui compte encore beaucoup d’élus locaux. La candidate des Républicains, Valérie Pécresse, qui a intérêt à la double candidature de l’extrême droite, serait tentée de favoriser en sous-main le parrainage d’Éric Zemmour. Le risque de manœuvres électorales « contre nature » et opaques devrait conduire, à mon sens, à l’abrogation pure et simple de cette règle finalement inutile qui n’a pas empêché la multiplication des candidatures dites « de témoignage », pas plus dangereuses pour la démocratie que les autres. Cette décision pourrait être prise dès maintenant, avant que les parrainages ne soient officiellement transmis et examinés par le Conseil Constitutionnel. Faute de quoi, la question sera de nouveau enterrée jusqu’aux prochaines échéances, dans 5 ans, où le pouvoir nous dira à nouveau qu’il est trop tard pour délibérer.