Girouettes

Cette semaine a été marquée par deux évènements a priori sans rapport l’un avec l’autre : le ralliement à Éric Zemmour de l’ancien vice-président des Républicains, Guillaume Peltier, et la modification du protocole sanitaire en vigueur dans les écoles, annoncé par le Premier ministre, Jean Castex, pour tenter de désamorcer l’appel à la grève lancé par les syndicats enseignants. Ce changement est d’ailleurs le troisième depuis la rentrée, et aurait tendance à prouver au personnel de l’éducation nationale la nécessité d’appliquer à l’école la règle qui a rendu tant de services aux militaires et qui prévoit qu’il ne faut jamais exécuter un ordre, mais toujours attendre le contrordre afin d’éviter le désordre.

Pourtant le parcours de Guillaume Peltier fait désordre, puisqu’il est passé par presque tous les partis de l’échiquier politique avant de retourner à ses premières amours, à droite de l’extrême droite. On connait la phrase fameuse d’un illustre prédécesseur, Edgar Faure, dont la veste craquait aux entournures à force d’être retournée, et qui prétendait : « ce n’est pas la girouette qui tourne, mais le vent ». Guillaume Peltier, lui, pratique également l’aphorisme en affirmant qu’une girouette qui indique toujours la même direction s’appelle une boussole. Il fallait oser ! Tel Julio Iglesias, il entonne le refrain « pourtant tu vois, je n’ai pas changé », au lieu de se contenter du classique « il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ». Une expression usée jusqu’à la corde dont les tenants essaient de renverser le sens en lui accordant la vertu d’être une preuve d’intelligence, alors qu’ils n’en possèdent même pas un échantillon sur eux selon Coluche. Ce genre de Boussole, associée à l’Astrolabe, a permis au sieur de La Pérouse de faire le tour du monde au 18e siècle et l’on ne peut que souhaiter bon vent au petit marquis moderne.

Jean-Michel Blanquer a été clairement désavoué par le Premier ministre, dont la simplification montre en creux les défauts de l’usine à gaz présentée par le ministre de l’Éducation. On lui a épargné l’humiliation de l’autocritique en public, mais le « recadrage » de Jean Castex n’est guère plus valorisant. Et le ministre devra mettre en œuvre la décision en feignant de la trouver à son goût, même s’il n’en a pas été à l’origine. Le Premier ministre a d’ailleurs cru bon de s’entourer de la caution morale des autorités sanitaires, qu’il dit avoir consultées à ce sujet. On imagine bien le dialogue : « siouplait, est-ce qu’on peut se contenter de trois autotests pour les enfants des écoles, pasque c’est la merde dans les pharmacies ? Merci, vieux ! je te revaudrai ça. » D’aucuns trouvent la ficelle un peu grosse et se demandent si le conseil scientifique ne sera pas obligé de rendre bientôt un nouvel avis quand le gouvernement aura changé le sien. Le contrordre, on vous dit, le contrordre !