Guérilla en Auvergne-Rhône-Alpes

À première vue, on pourrait se dire que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, se mord les doigts d’avoir fait l’impasse, par nécessité, sur l’élection présidentielle de 2022. Il ne s’est pas présenté aux élections internes du parti républicain, jugeant probablement qu’Emmanuel Macron avait toutes chances d’être réélu, il a donc passé son tour, se réservant pour les échéances de 2027. La percée indiscutable dans les sondages de sa collègue et néanmoins concurrente, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, est peut-être en train de lui faire regretter amèrement cette tactique pusillanime.

Personne n’imaginait, Laurent Wauquier le premier, que l’irruption d’un électron libre, d’un trublion tel qu’Éric Zemmour, allait atomiser le paysage politique français, au point d’abaisser le seuil d’accès au second tour à un niveau inédit d’environ 17 %, que plusieurs candidats sont susceptibles d’atteindre, même, si improbable que cela puisse paraître aujourd’hui, un ou une représentante de la gauche éparpillée façon puzzle. Laurent Wauquier paie encore par un déficit dans son image publique ses propos polémiques tenus en 2018 devant les étudiants de l’école de commerce de Lyon, où il refusait le « bullshit », la merde en bâton, si vous me passez l’expression, qu’il utilisait généralement, en échange du secret de ses déclarations, malheureusement rapportées publiquement dès le lendemain. Cette énorme « boulette » l’a contraint à une retraite médiatique forcée qui explique une discrétion inhabituelle. L’éventualité d’une victoire de Valérie Pécresse l’oblige à sortir du bois. Comme ancien président des Républicains, il a gardé une base militante solide et mettra toutes ses forces à décrocher des investitures de députés pour ses partisans, afin de devenir incontournable en cas de réussite de la droite dite républicaine.

Comme président de la région, il a aussi pris parti dans le conflit qui oppose la direction de l’IEP de Grenoble (Sciences Po) à l’un de ses professeurs, taxé d’islamophobie par les étudiants, à la fois sur les réseaux sociaux et jusque sur les murs de l’établissement. On assiste depuis un an environ à une guéguerre par élèves interposés où l’école est accusée d’islamogauchisme, de wokisme, ou que sais-je encore, tandis que le professeur est taxé d’être fascisant, islamophobe, etc. Pour calmer les esprits, Laurent Wauquier n’a rien trouvé de mieux que de couper les vivres de la région à l’établissement, environ 100 000 euros annuels. Une mesure qui risque de se retourner contre lui quand on sait que ce budget finance principalement les bourses accordées aux étudiants les plus pauvres. Pour justifier cette sanction, Laurent Wauquiez invoque « une dérive idéologique et communautariste » de l’établissement et ajoute que ce n’est pas « sa conception de la République ». On se dit alors qu’il vaut mieux qu’il n’ait pas plus de pouvoir si tout argent public doit être alloué en fonction de la conformité à sa conception très particulière de la République.