J’ai appris

Tout Président qui souhaite être candidat à sa propre réélection, et dans le cas d’Emmanuel Macron, cela ne fait guère de doute, se heurte nécessairement à une difficulté structurelle. Autant il est facile et naturel de critiquer l’action, ou l’inaction, de son prédécesseur pour justifier la nécessité d’un changement de politique, autant il est compliqué d’expliquer pourquoi on fera mieux que le sortant, s’il n’est autre que lui-même. Une contradiction que François Hollande n’a pas pu ou su résoudre autrement qu’en renonçant de lui-même à briguer des suffrages que les Français lui auraient probablement refusés.

Valéry Giscard d’Estaing avait choisi comme slogan de campagne pour sa réélection « le changement dans la continuité », mais les électeurs n’ont retenu que le premier terme, il est vrai bien aidés par l’ancien premier ministre de l’époque, Jacques Chirac, et ont désigné François Mitterrand, qui, lui-même, n’a dû son deuxième mandat qu’à la cohabitation avec la droite. Pour être réélu, il faut donc proposer du changement et rompre avec le passé. Ce qu’avait bien compris Nicolas Sarkozy quand il expliquait benoitement qu’il avait changé. Le nouveau Sarko n’aurait pas dit « casse-toi, pauvre con » au salon de l’Agriculture ni brandi un Karcher imaginaire en banlieue parisienne, lui qui s’était métamorphosé en fin lettré, féru de culture, de littérature et doté d’un goût exquis pour toutes les choses de l’esprit. Une mutation mal récompensée par un échec dans la primaire de la droite et du centre où il était devancé par Alain Juppé et François Fillon.

Difficile, donc, de ne pas voir dans le faux mea culpa d’Emmanuel Macron sur TF1 au cours d’une interview complaisante, le signe annonciateur d’une stratégie de campagne présidentielle déjà largement engagée. Son « j’ai appris » me fait penser à une phrase de Nelson Mandela, un authentique homme d’État, lui, dont le destin personnel se confond avec la lutte de tout un peuple, et qui disait : « je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». Une citation reprise par un concurrent malheureux du Vendée globe qui ajoutait, avec honnêteté, « et en ce moment, j’apprends beaucoup ». Une humilité dont pourrait s’inspirer largement le président de la République actuel, qui a reconnu des « erreurs », soigneusement minimisées afin de désamorcer les critiques, mais n’a pas perdu une once de son orgueil et de son arrogance naturelle. Tout porte à croire que ce sont ses conseillers qui ont relevé l’effet négatif de certaines de ses petites phrases et l’ont incité à formuler des regrets à défaut d’excuses. Eux aussi probablement qui l’ont poussé à faire une déclaration d’amour aux Français qu’il a habitués à plus de dédain que de compréhension. Un rôle de composition dans lequel, malgré le talent de sa professeure de théâtre personnelle, il ne peut pas être totalement convaincant.