Par qui le scandale arrive-t-il ?

Le PDG de la SNCF voyageurs, Christophe Fanichet, a qualifié de « scandaleux » l’appel à la grève lancé par plusieurs syndicats à l’approche des vacances de Noël et des fêtes de fin d’année. Pour faire bon poids, les journaux télévisés ont trouvé très facilement des voyageurs gênés par ce mouvement pour dénoncer de « soi-disant représentants des travailleurs » qui, en réalité, ne foutent rien, et je m’attends à l’argument sempiternel de la prise d’otage qui ne saurait tarder, afin de stigmatiser ceux qui ont le culot de réclamer de meilleures conditions de travail et de rémunération.

La direction de la SNCF n’ignore pas que le droit de grève est garanti par la constitution, malgré tous les efforts des gouvernements successifs pour en limiter la portée et les effets. Elle reproche aux syndicats de vouloir négocier en position de force, à un moment où la demande de transport est forte, mais on peut légitimement la soupçonner de ne vouloir en réalité d’aucun compromis, quelle que soit la période, et donc de refuser, de fait, de faire droit à toute revendication. Un mouvement de grève, s’il est finalement exercé, ne se décrète pas de gaité de cœur. Les salariés y ont beaucoup à perdre, sur leur propre argent, quand les conséquences financières d’une grève sur la SNCF sont assumées par la collectivité, et je ne sache pas que Mr Fanichet voie son salaire amputé par un mouvement « scandaleux ». Un accord entre direction et syndicats est toujours possible, mais il faut que les deux parties y mettent de la bonne volonté.

Cette année est un peu particulière du fait de l’épidémie de Covid, mais le problème est récurrent : voilà 7 ans qu’il n’y a pas eu d’accord salarial global à la SNCF, ce en quoi elle ne diffère pas des autres activités économiques gérées par l’état ou les collectivités territoriales. L’État-patron incite les entreprises à augmenter les salaires dans les secteurs « en tension », mais se garde bien de donner l’exemple. Il se contente de distribuer quelques miettes sous forme de primes, soumises à son bon-vouloir, révocables d’une année sur l’autre, et n’entrant pas dans le calcul de la retraite. Pas le plus petit coup de pouce au salaire minimum depuis le début de ce quinquennat, alors que l’on sait que le calcul de l’inflation et du pouvoir d’achat repose sur des moyennes et cache des disparités massives au détriment des plus pauvres et au profit des plus riches, rebaptisés classes moyennes pour tromper le monde. Les représentants du personnel ferroviaire se sont déclarés prêts à discuter à toute heure du jour ou de la nuit pour éviter la paralysie des transports. La balle est clairement dans le camp du gouvernement, qui est le véritable décideur dans l’entreprise, mais ne veut pas que cela se sache, car : « malheur à celui par qui le scandale arrive » (Luc, 17, 1).