Qui perd perd

C’est le nom que donnait Coluche à un jeu télévisé fictif dans lequel le candidat jouait avec son propre argent et pouvait donc sortir ruiné s’il ne répondait pas correctement aux questions posées. En l’occurrence, il s’agissait de savoir si le peuple calédonien souhaitait obtenir son indépendance vis-à-vis de la France. Les deux premiers référendums prévus après les accords de Nouméa de 1998 pour tenter de trouver une solution à la suite des affrontements violents en 1988, avaient conclu au maintien de l’archipel dans le giron français, et il ne restait plus qu’un dernier référendum pour trancher l’affaire.

La date prévue du 12 décembre était alors contestée par les indépendantistes en raison de la situation sanitaire et le FLNKS appelait au boycott des urnes en prévenant qu’il ne reconnaîtrait pas le résultat d’une consultation jugée illégitime. Tant et si bien que les deux camps peuvent se prévaloir d’une victoire puisque les loyalistes ont voté à plus de 96 % en faveur du non, et que l’abstention est bien au-delà des 50 % du corps électoral. Sur une question aussi importante, obtenir un succès en rassemblant moins de la moitié du corps électoral ressemble bien à une victoire à la Pyrrhus, ce roi d’Épire qui sortit essoré de deux batailles contre les Romains, ce qui le condamnait à la défaite finale. Ce score, loin de démontrer la force du camp loyaliste, en signe la faiblesse, et le président Macron doit le savoir, qui s’est gardé de s’engager personnellement dans la campagne et s’efforce à présent de tirer les marrons du feu. Le résultat du référendum ne dispensera pas la France de devoir trouver une voie pour un développement conjoint des Calédoniens d’origine kanake et des Caldoches, issus des pays européens et implantés depuis plus ou moins longtemps.

Le sens de l’histoire ne peut pas s’inverser, et il faudra bien que les « natifs » aient voix au chapitre, d’une façon ou d’une autre. On ne peut pas faire moins pour les Calédoniens que ce que l’on admet pour les Corses. Roch Wamytan, président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, est allé plaider la cause de son archipel à l’ONU, qui l’a inscrit dans les territoires nécessitant une décolonisation. Il a prévenu d’ores et déjà que le droit à l’autodétermination était resté intact pour son peuple. Tôt ou tard, la question se reposera. Le FLNKS avait souhaité le report du scrutin à septembre 2022, en exprimant explicitement son espoir d’obtenir des interlocuteurs plus compréhensifs des demandes de la population que le président et le gouvernement actuels, notamment le ministre des Outremers, Sébastien Lecornu, particulièrement peu apprécié dans tous les territoires dont il a la charge.