Au revoir, les enfants !

Cette fois, c’est vraiment terminé pour Angela Merkel, surnommée affectueusement « Mutti » (maman) par les Allemands, qui a laissé son poste de chancelière à son successeur, Olaf Scholz, à la tête d’une coalition improbable en France réunissant son parti social-démocrate, les écologistes et le parti libéral. L’occasion de comparer nos systèmes de pouvoir de part et d’autre du Rhin. En 16 ans d’exercice du pouvoir, Angela Merkel aura « usé » 4 présidents français, ce qui est paradoxal dans la mesure où la 5e république avait été créée et voulue par son fondateur, Charles de Gaulle, pour assurer une plus grande stabilité de l’exécutif.

En République fédérale allemande, c’est le Bundestag, équivalent de l’Assemblée nationale française, qui élit le Chancelier, chef du gouvernement et détenteur du pouvoir alors que le président de la République a un rôle plus honorifique et protocolaire, comme les présidents français de la 4e république. En pratique, le poste de chancelier revient au chef du parti qui a recueilli le plus de voix aux élections législatives, à charge pour lui de trouver les soutiens nécessaires à la constitution d’une majorité. Un système comparable aboutissait à une impuissance des partis et leur incapacité à se mettre d’accord en France après la 2e guerre mondiale. Les gouvernements successifs étant souvent renversés faute d’une ligne politique commune. Les logiques sont complètement inversées. Le parlement allemand élit le chancelier, tandis que le parlement français est porté par le succès du candidat à la présidentielle. Le talon d’Achille du système français est paradoxalement dans la durée. À part le fondateur de la 5e république, qui a « régné » sans partage pendant 10 ans, aucun président n’aura exercé la réalité du pouvoir au-delà d’un mandat. François Mitterrand et Jacques Chirac auront dû supporter une cure d’opposition au cours de cohabitations, et leurs successeurs n’ont, jusqu’à présent pu exercer qu’un seul quinquennat.

Comme si le peuple se lassait de plus en vite des figures qu’il a un temps privilégiées. Les électeurs, devenus minoritaires dans la plupart des consultations, sont encore un peu plus assidus aux présidentielles, mais l’enthousiasme éventuel est de courte durée. Jusqu’à un passé récent, les observateurs politiques pouvaient croire qu’Emmanuel Macron échapperait facilement à cette sorte de malédiction, mais rien n’est vraiment assuré dans une période d’instabilité telle que nous la connaissons. Emmanuel Macron cristallise les difficultés que vivent les citoyens, en partie à juste titre, en partie parce qu’il est au mauvais endroit au mauvais moment, comme pendant la crise des gilets jaunes. Il a bénéficié pendant un temps de l’indulgence d’un peuple de gauche orphelin d’une grande figure pouvant le représenter, à la manière d’un Léon Blum ou d’un Jean Jaurès. Ces voix pourraient lui manquer dans un deuxième tour si le risque d’extrême-droite était écarté.