La recette du quatre-quarts

« Prenez de la, prenez de la farine, Versez dans la, versez dans la terrine, Quatre mains bien pesées, Autour d’un puits creux, autour d’un puits creusé, Choisissez quatre, choisissez quatre œufs frais, Qu’ils soient du mat', qu’ils soient du matin frais, Car à plus de vingt jours, Un poussin sort tou', un poussin sort toujours ! » Ce perdreau de l’année, c’est l’inattendu Éric, Ciotti, hein, le faux jumeau de l’autre, la version souriante du fascisme à visage presque humain, le sinistre Zemmour, qui sera opposé à Valérie Peau d’âne, désarmante de faux naturel.

Car le congrès des Républicains a presque livré son verdict, et les deux finalistes se sont qualifiés dans un mouchoir de poche, si l’on excepte le score famélique du moins connu des 5, Philippe Juvin, qui, avec ses 3 %, fait figure de cerise sur un gâteau réparti en quatre parts plus ou moins égales. Quelques centaines de voix seulement séparent les 4 principaux candidats. De quoi nourrir des regrets, voire de l’amertume pour Xavier Bertrand, qui s’y voyait déjà, un peu comme Juppé en 2016. Personnellement, je n’ai pas de préférence entre les candidats de la droite, qu’elle soit classique ou qu’elle lorgne vers les extrêmes, je n’en attends rien de bon. Mais c’est un peu préoccupant de constater que si le suffrage est resté universel en France, le déplacement de quelques voix en faveur de tel ou tel candidat peut biaiser totalement le processus démocratique. On l’a constaté en 2017, quand l’actuel président de la République a pu être élu avec un score d’adhésion à ses idées très minoritaire dans le pays. Là aussi, le gâteau présidentiel se répartissait en 4 parts inégales, et comme dans certains états américains, le gagnant a tout empoché.

Insensiblement, le paysage politique a évolué vers une forme de suffrage censitaire, où ce sont les militants qui font les élections en choisissant les candidats. Quelques milliers de partisans peuvent faire ou défaire le destin national d’une personnalité, par le jeu des « petits paquets ». Il faut d’abord être majoritaire dans un petit groupe, pour se servir de celui-ci pour en gagner un plus nombreux et ainsi de suite, les minoritaires étant agrégés et absorbés à chaque étape. À ce jeu-là ce sont généralement les plus visiblement radicaux qui gagnent : Fillon ou Hamon en 2016, Éva Joly en 2011, par exemple. Les choses se compliquent quand il faut ramer à contre-courant pour gagner les électeurs du camp d’en face. Toutefois, l’arrivée d’Éric Zemmour, un deuxième épouvantail en plus de Marine Le Pen, qui a permis malgré elle à Emmanuel Macron d’être élu, a changé la donne, et les pronostics, surtout concernant l’avenir, sont plus que jamais difficiles.