Concilier l’inconciliable

Les nouvelles accusations de violences sexuelles contre Nicolas Hulot nous mettent dans l’embarras, d’un point de vue légal et moral. Évidemment, je ne peux que me féliciter que les victimes osent à présent parler plus ouvertement, même si cela reste une démarche difficile. La société et l’opinion ont indiscutablement avancé sur ce point, et les témoignages ne sont plus systématiquement rejetés notamment par la police ou l’entourage, même s’il reste beaucoup à faire sur ce point. D’un autre côté, les accusés dans ces affaires doivent pouvoir se défendre comme les y autorise la loi, et le jugement médiatique ne doit pas se substituer au cadre légal.

Il est certain que si ce sont des personnes antipathiques qui sont mises en cause, j’aurai plus tendance à donner du crédit aux accusations portées contre elles. La justice est précisément là pour éviter des jugements hâtifs et sommaires. La nature même des crimes dont il est question favorise l’accusation, mais la plupart du temps il est difficile de présenter des preuves et la question se résume bien souvent à une parole opposée à une autre. Ce qui joue en défaveur de Nicolas Hulot, c’est la répétition des accusations et des descriptions similaires de la part de victimes présumées ne se connaissant pas. Le système de défense est également faible, puisqu’il se fonde sur une dénégation globale, mais encore une fois, cela ne constitue pas une preuve. J’imagine qu’innocent ou coupable, tout accusé en passerait par là. Il se trouve que notre justice, contrairement à l’Anglo-saxonne, ne repose pas sur un système accusatoire, dans lequel il serait nécessaire de produire des preuves. Il suffit d’une intime conviction, ou un faisceau d’indices graves et concordants, pour juger quelqu’un coupable. On en voit l’illustration dans l’affaire Delphine Jubillar dont le mari est maintenu en prison préventive alors qu’il n’y a aucune preuve qu’elle a été tuée, bien que ce soit malheureusement probable, et par son conjoint.

Les choses se compliquent d’autant plus que, tout en défendant la présomption d’innocence, la suspicion s’étend désormais aux personnes proches de Nicolas Hulot, qui pourraient avoir été informées du comportement supposé de l’ancien ministre. C’est pour cette raison que le candidat des verts, Yannick Jadot, a décidé d’écarter de la campagne présidentielle son porte-parole, Mathieu Orphelin, un ami de l’ancien animateur. Un autre indice probant d’un changement de logique, c’est l’attitude du pouvoir. Autant, au moment des premières accusations, le pouvoir avait défendu celui qui faisait alors partie du gouvernement, y compris Emmanuel Macron en personne, autant désormais on ne trouve plus de voix pour le soutenir. Marlène Schiappa a sorti les avirons pour justifier son changement de ton à l’égard de son ancien collègue, mais elle ne convaincra personne. Tandis que tous crient « haro sur le baudet », personne ne parle de prendre la décision qui s’impose : supprimer totalement la prescription de ces crimes.