Monologue de sourd

Il y a encore quelques jours, un des VRP interchangeables du gouvernement défendait le refus de se déplacer du ministre des outre-mer dans les Antilles françaises au motif qu’il ne fallait surtout pas rencontrer les contestataires sans avoir défini au préalable quelles solutions il comptait apporter aux problèmes qui ont amené la population antillaise à se révolter contre le pouvoir central métropolitain. Et moi qui croyais naïvement que c’était le boulot quotidien d’un ministre ultramarin que de se tenir à l’écoute des « administrés », et si possible sur place, en se rendant régulièrement dans les territoires concernés.

Visiblement, Sébastien Lecornu a dû se résoudre à faire le voyage, malgré l’absence de solutions, après avoir bricolé à la hâte une annonce destinée à noyer le poisson et à détourner l’attention, en proposant de répondre à une question que personne ne lui a posée : l’indépendance de la Guadeloupe. Il le saurait, ce qui coince vraiment, s’il écoutait les revendications de la population. Voilà 4 à 5 mois que des mouvements sociaux agitent la Guadeloupe, que les syndicalistes alertent les autorités, écrivent au président de la République, au Premier ministre, etc. et n’obtiennent en retour que le silence et le mépris. Rien d’étonnant, après avoir laissé la situation dégénérer à ce point, que des violences se produisent. Et voilà que le ministre en tire argument pour refuser le dialogue. Il accepte tout juste du bout des lèvres de recevoir un cahier de doléances de l’intersyndicale en la rendant responsable des troubles que l’inaction gouvernementale a contribué à créer. Pire, il renforce symboliquement la répression policière en annonçant l’envoi de renforts, 70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN.

Le ministre hors-sol prétend tendre la main, mais refuse en réalité un dialogue dont il ne voulait pas depuis le début. En posant des conditions dont il sait qu’elles ne pourront pas être remplies, il espère rejeter l’échec prévisible de négociations sur ses adversaires que sont les habitants de l’île, qui ont le grand tort de ne pas accepter sans discuter les décisions de la métropole. Personnellement, je pense qu’ils sont dans l’erreur en refusant la vaccination, mais le gouvernement actuel, comme les précédents, s’y prend tellement mal qu’il aggrave la situation au lieu de l’améliorer. Je doute que les tireurs d’élite et les gendarmes mobiles soient les interlocuteurs les plus persuasifs pour expliquer les bienfaits de la vaccination. Si le ministre était plus au fait des réalités des territoires dont il est censé s’occuper, il connaîtrait les particularités de ces populations, l’influence de la culture traditionnelle, les dégâts considérables dus aux séquelles de la colonisation et notamment de l’esclavage, sans compter l’exploitation postcoloniale, la misère endémique, le chômage, la vie chère, j’en passe et des moins mûres. Tout cela Sébastien Lecornu le saurait, s’il était moins soucieux de présenter un bon bilan carbone en voyageant le moins possible.