Un candidat subliminal

En annonçant officiellement sa candidature à la présidence de la république par une vidéo soigneusement mise en scène, Éric Zemmour a mis fin à un faux suspense qu’il ne pouvait plus maintenir au moment où il piquait du nez dans les sondages et où ses sorties publiques se heurtaient à une hostilité déclarée de plus en plus forte. Il est ainsi passé du statut de candidat virtuel à celui de candidat subliminal. Dans le domaine de la publicité comme de la propagande, la technique subliminale consiste à diffuser un message secret pendant un temps court pour influencer le sujet à son insu.

Dans un film, par exemple, les images défilent à la cadence de 24 par seconde, ce qui recrée l’illusion d’un mouvement continu grâce à la persistance rétinienne. Il suffit alors d’ajouter une image pour que son message soit perçu par le cerveau, ignoré consciemment, mais capable d’influencer inconsciemment le spectateur. À aucun moment, Éric Zemmour ne déclare dans sa vidéo être le nouveau général de Gaulle, mais tout est fait pour que le public le pense. Le choix du micro, vintage, l’angle de prise de vue, la bibliothèque en fond d’écran, ont été choisis pour créer cette illusion. Peu importe que la plupart de ceux qui ont réellement entendu l’appel du 18 juin soient désormais passés de vie à trépas, dans l’imaginaire collectif le symbole existe désormais au côté d’autres tableaux de l’histoire de France, immortalisés par les images d’Épinal ou les tableaux Rossignol des salles de classe d’antan. En sollicitant une grande figure tutélaire, le désormais candidat s’imagine pouvoir capter un glorieux héritage. Un autre candidat a cru bon de se réclamer du général pour faire campagne, et cela ne lui a pas porté chance. « Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ? » s’exclamait un certain François Fillon il y a 5 ans. Vous connaissez la suite.

Éric Zemmour n’hésite pas à se poser en sauveur de la France, persuadé de faire oublier son soutien à l’ennemi juré du général de Gaulle, Philippe Pétain, qui aurait selon lui sauvé les juifs de France, une fable qui a la vie dure. C’est faire peu de cas d’une autre réalité bien connue, qui veut que si les images ont parfois une force bien supérieure aux mots et aux phrases du discours verbal, elles ne sont en aucun cas univoques et peuvent revêtir des formes induisant des significations opposées. C’est ainsi que le sauvetage de la France peut être associé au chant composé à la gloire de Pétain, le fameux « Maréchal, nous voilà ! » où il est question de sauver la France au nom du Sacré-Cœur. Ce qui se révèle surtout dans cet épisode de déclaration de candidature, c’est que le polémiste est loin d’avoir l’étoffe d’un homme d’État. Il perd ses nerfs dès que la situation lui échappe, et révèle sa vraie nature sans le moindre travestissement subliminal.