Zemmourisation

Encore un néologisme me direz-vous, mais ô combien adapté à la déclaration pour le moins inquiétante du candidat Montebourg à l’élection présidentielle. Lui qui revendique son appartenance à la gauche, qui prétendait en incarner le renouveau en s’opposant à la ligne « officielle » de son parti et en critiquant la mollesse de son président, François Hollande, a tenu des propos qu’Éric Zemmour lui-même a salués ironiquement en soulignant le ralliement de l’ancien ministre à ses thèses sur l’immigration. Arnaud Montebourg a voulu montrer les muscles en indiquant vouloir « taper au portefeuille » les pays qui refusaient de reprendre leurs ressortissants expulsés par la France.

Sa proposition consiste à empêcher les transferts d’argent privé en direction des pays d’origine des migrants, Maghreb ou Afrique noire principalement, tant que les pays concernés n’acceptent pas d’accorder des visas à ceux que la France leur demande de rapatrier. Cette façon de procéder reviendrait à priver les familles restées au pays de l’aide financière procurée par les travailleurs étrangers en situation régulière ou non, ce qui a été vivement critiqué, à juste titre, par les partis de gauche, et a conduit Arnaud Montebourg à un rétropédalage en bonne et due forme, mais le mal est déjà fait. Cette concession aux thèses de droite ne rapportera probablement aucun électeur à Arnaud Montebourg, qui aura vendu son âme pour ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pas grand-chose, malgré une ambition dévorante et l’illusion d’un destin national.

Le parcours d’Arnaud Montebourg m’a fait penser à celui de Jean-Pierre Chevènement, lui aussi promis au plus bel avenir au détour des années 1970, quand le parti socialiste renaissait des cendres de la SFIO. Le « Che » pouvait compter sur l’avant-garde des militants réunis sous la bannière du CERES, un courant de pensée pesant un quart du parti, qui se voulait « l’aiguillon » empêchant le nouveau PS de s’endormir sur des lauriers réformistes. La stratégie a été payante tant que Chevènement est resté à l’intérieur de sa famille, favorisant l’avènement de Mitterrand et le rapprochement avec le PCF, en corédigeant le programme commun de gouvernement. Puis Jean-Pierre Chevènement s’est perdu en voulant faire cavalier seul avec une formation politique devenue groupuscule. C’est également ce qui guette Arnaud Montebourg depuis qu’il a scellé sa rupture avec le parti socialiste, défiant le président de l’époque, François Hollande, qui l’avait pourtant fait ministre. Il semblait avoir trouvé la voie de la sagesse en se reconvertissant entrepreneur, avant que le virus de la politique ne le rattrape. Ce n’est pas en courant derrière un polémiste de deuxième zone qu’il pourra créer le mouvement populaire qu’il appelle de ses vœux. Lui qui a voulu devenir apiculteur devrait savoir que l’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre et que les idées rances de la droite pétainiste défendue par Éric Zemmour n’ont aucun avenir.