La vieille dame indigne

Dans ce film de 1965, René Alliot raconte l’histoire de Madame Berthe, cette femme de 70 ans, qui, à la mort de son mari, ne veut pas se laisser enfermer dans un rôle social prédéfini, refuse d’aller vivre en recluse chez ses enfants et préfère découvrir le vaste monde en compagnie de nouveaux amis plus jeunes, dans sa deux-chevaux flambant neuve. La droite, l’extrême-droite et le gouvernement n’ont pas eu de mots assez durs pour stigmatiser la décision de Sophie Pétronin, ex-otage, libérée il y a tout juste un an, de retourner vivre au Mali, qu’elle considère comme son pays.

La militante humanitaire franco-suisse de 76 ans a consacré les vingt-cinq dernières années à aider la population malienne dans la mesure de ses moyens avec l’ONG qu’elle a fondée, elle a même adopté une petite fille, aujourd’hui adulte, elle s’est convertie à l’islam et souhaite vivre à nouveau dans son pays d’adoption. Les autorités françaises feignent de découvrir que Sophie Pétronin, dont les demandes de visa avaient été refusées par le Mali, s’est rendue clandestinement à Bamako, via le Sénégal depuis déjà 8 mois. Ce n’est que récemment que les Maliens ont émis un avis de recherche, demandant son arrestation pour la questionner, sans autres précisions. La meute de loups médiatiques et politiques s’est emparée du sujet, s’indignant de l’ingratitude de Sophie Pétronin, qui serait « une insulte à la France » si l’on en croit Robert Ménard, sans surprise, mais aussi Aurore Bergé de la République en marche, ou Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Ces bons apôtres mettent en avant le sang versé au Mali par les militaires français, comme si elle avait choisi la politique qui aboutit à cette situation.

Il faut se reporter d’un an dans le passé, au moment de la libération des otages. Certes, Sophie Pétronin a été retenue contre son gré, pendant 4 ans, mais elle ne condamne pas ses ravisseurs, qu’elle considère comme de simples opposants au régime. Au fond, elle n’a rien demandé personnellement à l’état français. C’est son fils qui a fait des pieds et des mains pour obtenir sa liberté, et il prévoyait déjà que ce serait difficile de l’empêcher d’aller et venir à sa guise. D’ailleurs, le président Macron avait fait le service minimum pour l’accueillir à sa descente d’avion, comme s’il pressentait déjà les problèmes à venir. Celle par qui le scandale est arrivé ne demande pourtant qu’à vivre paisiblement dans ce pays qu’elle a choisi. Elle se retrouve au centre d’un enjeu géopolitique au moment où la France se pose des questions sur la pérennité de sa présence au Sahel, un bourbier dont nous ne pouvons sortir sans dommages, mais où nous ne pouvons pas rester éternellement, en laissant derrière nous un pouvoir central malien totalement impuissant et exsangue.