À la tête du client

Le PDG a tranché. Mais c’est le directeur des ventes qui est venu l’annoncer à la télé. Ce sera donc un chèque de 100 euros pour la moitié des Français, versé en une seule fois autour de Noël, et au plus tard avant les élections présidentielles. Alors que le chèque énergie était destiné à aider les plus pauvres à payer leurs factures à EDF ou un fournisseur alternatif, cette aide exceptionnelle est supposée compenser tout à la fois la hausse des carburants et la dégradation du pouvoir d’achat pour les classes moyennes.

Au passage, c’est un terrible aveu d’échec du gouvernement, qui a claironné que le niveau de vie des Français s’était amélioré continument pendant le quinquennat Macron alors que les Français constatent tous les jours l’augmentation des prix des produits de consommation courante, une inflation mesurée autour de 2 %, tandis que les salaires stagnent. Le Premier ministre, qui semblait revenir d’un enterrement alors qu’il était censé apporter de bonnes nouvelles, a d’ailleurs hésité sur l’appellation de cette « prime », entre « indemnité inflation » ou « indemnité classe moyenne ». Le montant sera déconnecté du prix du carburant, puisqu’il ne sera même pas nécessaire de justifier de la possession d’un véhicule. Il suffira d’être en dessous du salaire médian défini à 2 000 euros nets mensuels, soit, par définition, la moitié de la population, et d’être de nationalité française. Ben, oui, les étrangers ne votent pas à l’élection présidentielle. Cette petite plaisanterie électoraliste et démagogique va quand même coûter près de 4 milliards au budget de l’état, à rajouter aux nombreuses promesses catégorielles que le président a prévu de faire pour calmer les mécontents de tous poils. Personnellement, ces 100 euros vont m’économiser à peu près deux pleins d’essence, ce qui ne changera pas fondamentalement mon niveau de vie ni mon appréciation globale de l’action gouvernementale.

Avec le principe de cette prime, le président candidat Macron reconnait implicitement que la moitié au moins des Français éprouve des difficultés à boucler les fins de mois, ou peine à se payer le petit superflu qui rend la vie plus facile. Nul doute qu’il a suivi attentivement les derniers sondages d’opinion qui démontrent que la première préoccupation des Français est la question du pouvoir d’achat pour 41 % d’entre eux, alors qu’ils n’étaient que 30 % en avril dernier. En deuxième lieu, l’environnement est lui aussi considéré comme très important (30 % contre 28 % précédemment), ce qui justifie les effets d’affichage du gouvernement, même si les écologistes ne semblent plus y influencer quiconque, au vu des nombreuses couleuvres qu’ils ingurgitent. La prime inflation est destinée à éteindre le début d’incendie provoqué par l’augmentation du coût de la vie, mais ne règle rien sur le fond d’injustice sociale dans la société française. Je doute qu’elle suffise à fidéliser une clientèle électorale.