Stupéfiant !

Une nouvelle stupéfiante nous est parvenue au début du week-end dernier : une maire PS de la ville de Canteleu, à proximité de Rouen, a été interpelée et placée en garde à vue dans le cadre d’une enquête sur un vaste réseau de trafic de drogue en liaison avec une bande organisée sévissant en Seine-Saint-Denis. De grosses sommes d’argent, des armes de poing, ainsi que 15 kg d’héroïne, ont été saisies à l’occasion de ce coup de filet. Un tel fait-divers a été évidemment repris par l’ensemble de la presse, et notamment les chaines d’information continue, pour qui ce genre d’information est du pain béni.

Rien ne filtrait en revanche sur les motifs qui avaient conduit la police à demander des comptes à l’élue, ainsi qu’à l’un de ses adjoints, également retenu pour les besoins de l’enquête. Ce qui n’empêchait nullement les journalistes en mal de sensationnel d’interviewer les habitants de la commune sur leurs impressions vis-à-vis de leur maire, dont la culpabilité était sous-entendue, sans le moindre début de commencement de preuve. Tout ça pour que la maire et son adjoint soient libérés et ressortent de leur garde à vue après 36 heures quand même, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux. Il semble qu’en fait de complicité, la municipalité serait plutôt la victime potentielle de ces trafiquants, qui verraient d’un mauvais œil les initiatives allant dans le sens d’un renforcement de la sécurité avec l’installation de caméras de surveillance et la demande de renforts policiers qui ne sont d’ailleurs jamais arrivés. Madame la Maire a reçu des menaces la concernant ainsi que sa fille, mais n’a pas osé porter plainte, de crainte de représailles.

Tout porte donc à croire que le parquet de Bobigny qui a diligenté la procédure s’est un peu précipité, sur la base de suspicions et de rumeurs infondées, et que la presse, informée sciemment, n’a guère pris de précautions ni fait de vérifications pour relayer une information croustillante. Le soufflé médiatique est d’ailleurs retombé aussi rapidement qu’il avait gonflé, au point que c’est tout juste si une chaine comme BFM lui a consacré une brève en fin de journal, sans avoir la décence minimale de présenter ses excuses aux personnes accusées à tort. Le maire de Rouen, socialiste lui aussi, estime avec raison que la réputation de sa collègue de Canteleu « a été jetée aux chiens », une allusion évidente à la phrase de François Mitterrand après le suicide de Pierre Bérégovoy en 1993. Le fait est que la maire de Canteleu, même si elle a toujours été persuadée que son innocence serait reconnue, a subi un préjudice moral difficilement effaçable. Pour un homme ou une femme politique, la réputation est presque le seul capital sur lequel on peut s’appuyer et elle est plus facile à salir qu’à rétablir.