Paroles, parole

Selon l’expression bien connue, les paroles s’envolent, mais les écrits restent. Voire. Depuis que le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne, il considère l’accord trouvé péniblement après des années de tractations et de négociations interminables comme une base de départ sur les concessions exigées en contrepartie du fait de ne pas sortir en claquant violemment la porte. Les Européens devraient s’estimer satisfaits que les ponts ne soient pas rompus totalement avec les Britanniques et qu’ils continuent à faire du commerce avec eux. Le respect de la parole donnée est donc le cadet de leurs soucis.

En effet, la situation économique du pays est préoccupante, et les dirigeants font tout pour que les citoyens ne fassent pas le lien avec le Brexit, qui devait leur apporter la prospérité, le plein emploi et le rasage gratis. Au lieu de quoi le pays se retrouve devant une crise économique doublée de pénuries diverses et variées, et notamment d’essence par manque de chauffeurs poids lourds chargés de l’approvisionnement des stations-service. Le Royaume-Uni cherche désespérément des routiers après avoir dissuadé beaucoup de chauffeurs européens de rester travailler chez eux. La pandémie de Covid a évidemment aggravé la situation, comme partout, avec les restrictions sur la libre circulation des personnes et le rétablissement de frontières plus étanches. Comme le font souvent les dirigeants en difficulté, Boris Johnson a tenté de reporter les problèmes sur les pays étrangers. Et la France se trouve être le voisin le plus proche et le plus commode pour en faire le parfait bouc émissaire.

Nos relations avec la perfide Albion n’ont jamais autant mérité le terme de mésentente cordiale. Les Anglais traînent des pieds pour accorder les licences promises aux pêcheurs français, en guise de monnaie d’échange pour conserver des avantages commerciaux avec l’UE, selon leur tradition bien établie du beurre et de l’argent du beurre. La gestion de l’immigration clandestine en direction du Royaume-Uni donne lieu à polémique. Selon les accords bilatéraux du Touquet, l’Angleterre devait financer en partie le déploiement de forces françaises pour stopper les passages illégaux et retenir les migrants sur notre sol. On attend toujours le premier penny et la France se contente donc d’observer les candidats au voyage. Enfin, le secrétaire d’État britannique chargé du Brexit, David Frost, a annoncé récemment la dénonciation unilatérale de l’accord sur la question épineuse nord-irlandaise, au motif qu’il ne leur convenait plus. Après le mauvais coup porté à l’industrie militaire française dans l’affaire des sous-marins décommandés par l’Australie à l’instigation des Anglo-américains, c’est une nouvelle preuve que l’on ne peut pas faire confiance aux paroles données, fussent-elles écrites. Dans la longue histoire des relations difficiles avec nos « amis » anglais, il est un épisode resté fameux. Lorsqu’un officier britannique a contesté la noblesse de Robert Surcouf en déclarant : « vous autres, Français, vous vous battez pour de l’argent, tandis que nous, Anglais, nous nous battons pour l’honneur ! » À quoi le célèbre corsaire aurait répliqué : « chacun se bat pour ce qui lui manque ».