Vases communicants

La dernière, mais pas ultime polémique concernant la vaccination contre le covid-19 consiste dans l’intérêt de procéder à une piqure de rappel pour les personnes qui ont déjà suivi un parcours vaccinal complet depuis au moins 6 mois, ce qui est mon cas, ainsi que la presque totalité des résidents en EHPAD, qui ont été parmi les premiers protégés. Les arguments scientifiques sont valides et vont en faveur de ce rappel, qui réactive les défenses immunitaires acquises. Les antivax seront contre, naturellement, mais la logique est respectée. Le variant delta impose de s’adapter à cette nouvelle situation.

À titre personnel, donc, guère d’état d’âme : la balance penche toujours du côté des bénéfices, pour des risques faibles, comme l’indiquent les études qui portent sur des populations très nombreuses désormais à défaut de recul sur la durée, compte tenu du caractère récent de la vaccination. Là où le bât blesse, c’est dans la disparité énorme de l’accès au vaccin. Les pays les plus riches ont acheté la plus grande partie des doses et continuent à vacciner leurs ressortissants, tandis que les plus pauvres n’ont reçu qu’une infime partie des 5 milliards de doses fabriquées dans le monde. Il y avait pourtant un dispositif prévu pour venir en aide à ces pays, notamment africains, qui reposait sur des dons des pays développés en leur faveur. Le système Covax lancé par l’OMS devait permettre d’acheminer des doses vers les pays défavorisés, mais il a pris énormément de retard, du fait de l’égoïsme national des états, mais aussi du fait d’une organisation structurelle défaillante.

On se rend compte tardivement que le transport complique encore plus la tâche des autorités sanitaires. Il aurait été préférable de permettre aux pays bénéficiaires de fabriquer sur place leurs vaccins en les exonérant de tout ou partie des droits détenus par l’industrie pharmaceutique, pour les amener à une certaine autonomie dans le traitement de l’épidémie. Pour une fois, les scientifiques sont à peu près tous d’accord : cette disparité dans les taux de vaccination, de moins de 1 % dans certains pays, à plus de 60 % dans d’autres, a favorisé l’émergence de variants toujours plus dangereux, et remet en question la possibilité d’une immunité collective à l’échelle mondiale. Les doses qui seront utilisées pour une troisième injection en France et dans certains pays ne seront pas enlevées de la pharmacopée des autres pays, mais leur efficacité ne sera garantie que par une protection accrue de leurs populations. C’est le virus, et non le vaccin, qui se diffuse naturellement en suivant la ligne de moindre résistance. La solidarité avec les pays moins favorisés est donc aussi un impératif égoïste indispensable, même en dehors de toute considération morale. La France peut à la fois procéder à un renforcement de sa couverture vaccinale et favoriser la solidarité avec les pays moins bien protégés.