Entre ici Joséphine…

Joséphine Baker sera donc la 6e femme à être enterrée au Panthéon, cette église parisienne reconvertie en monument à la gloire des grands hommes par la Patrie reconnaissante. Cette décision ne rétablira pas l’équilibre entre femmes et hommes de valeur, puisque ces messieurs ont encore une écrasante avance avec 74 représentants. Aucune objection par conséquent à choisir une femme de préférence. Et pourquoi pas en effet Joséphine Baker qui a mis sa notoriété au service de son pays d’adoption, son deuxième amour, comme elle le chantait. Elle a également un passé de résistante, tout à son honneur, et elle a promu des valeurs universelles, payant de sa personne en adoptant 12 enfants, sa tribu arc-en-ciel, comme elle aimait à le dire.

En la choisissant, le président Macron n’a pas pris grand risque. Il n’y aura cependant pas à mon avis de nouvel André Malraux pour prononcer son éloge au moment du transfert de ses cendres, si sa famille l’y autorise. Entre la personnalité et le symbole représenté par Jean Moulin, figure historique de grande envergure, ou même de Simone Veil, la dernière femme à avoir été « panthéonisée », et celle de Joséphine Baker, avec tout le respect qui lui est dû, il me semble qu’il y a un grand différentiel. Plus personne dans la France d’aujourd’hui n’oserait se plaindre d’un hommage rendu à une personne au prétexte de sa couleur de peau, et Joséphine Baker, tout comme Line Renaud, qui, fort heureusement, est toujours en vie, a été de tous les combats et est une figure consensuelle.

Choisir, c’est éliminer, et Emmanuel Macron aurait également pu rendre hommage à une autre figure décédée récemment, dont le rayonnement est incontestable, mais qui aurait pu diviser l’opinion : il s’agit de Gisèle Halimi. Sa « candidature » était soutenue par des associations féministes, la mairie de Paris et la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Une pétition avait même circulé en sa faveur. Mais le président a visiblement eu peur de réactions à cause de ses positions pendant la guerre d’Algérie. Des craintes apparemment mal fondées puisque Julien Odoul, représentant l’extrême-droite (ils n’aiment pas qu’on dise que le rassemblement national est à droite de la droite, mais c’est un fait) a déclaré qu’il n’aurait vu aucun inconvénient à sa désignation. Mais faisons confiance au spécialiste de la chèvre et du chou pour remplacer le Panthéon par un hommage national aux Invalides. C’est un peu le prix de rattrapage pour les recalés du Panthéon comme le Renaudot à la place du Goncourt. On y a fourré pêle-mêle ces dernières années, Daniel Cordier, le secrétaire de Jean Moulin, Jean Daniel, patron de presse de gauche, les soldats tués en Afrique pour la France et souvent pour des prunes… Pourquoi pas Gisèle Halimi, en lot de consolation ?