Les sœurs Papin

Clémence Papin, abandonnée par son mari, doit élever seule ses trois filles, Émilie, Christine et Léa… démunie, elle les confie à l’institution du bon Pasteur pour apprendre à devenir des employées de maison modèles. Émilie y deviendra nonne, Madame Papin se considère victime de l‘institution, on lui a volé sa fille, elle décide de reprendre les deux autres en les plaçant comme bonnes à tout faire dans les maisons bourgeoises du Mans… elle récupère régulièrement leurs gages.

Christine, l’aînée, est placée dans la famille Lancelin et réussira à y faire engager Léa. Elles deviennent de plus en plus proches pour résister à une condition domestique difficile, et à l’abandon de leur mère.

Ce sont des employées modèles, dévouées, mais qui doivent supporter une dépendance totale envers leur maîtresse, qui fait peser sur elles toujours la crainte d’une retenue sur la paie, d’une réprimande, d’une humiliation.

Ce 2 février 1933, une panne du fer à repasser, provoque un court-circuit plongeant la maison dans le noir… cause futile en apparence, mais lourde de conséquences, le travail va prendre du retard, Madame Lancelin quand elle rentrera prendra des sanctions.

Quand elle arrive avec sa fille, elles sont accueillies à coups de marteau et de couteau, cruellement assassinées. Comme pour tuer un lapin, on leur a arraché les yeux, puis on les a découpées en morceaux, comme prêtes à cuire.

Les deux sœurs se sont réfugiées dans leur chambre, ont changé leurs vêtements ensanglantés et ont attendu la police. Leur culpabilité dans l’assassinat est claire !

Les experts se penchent sur le cas de ces 2 meurtrières, ils sont trois à ne pas déclarer la démence ou l’irresponsabilité. On s’oriente vers la qualification d’un crime social, une vengeance sur fond de lutte de classe.

Il est évident, et avoué d’ailleurs par un des experts, que leur trouver une excuse c’était faire affront à la bourgeoisie, « on ne pouvait déroger aux us de la justice, il fallait qu’elles soient condamnées à mort ». Celles qu’on appelait les sœurs siamoises souffraient évidemment de troubles psychotiques, les rendant irresponsables et en même temps victimes. Victimes d’un abandon par leur mère complètement paranoïaque qui les surveille et les garde toujours sous son regard. Pour Christine, la patronne (qu’elle appelait maman) prenait le relais de ce regard insupportable dont elle voulait se libérer ! Jacques Lacan dans « motifs du crime paranoïaque » développera l’idée qu’il y avait simultanéité des délires psychotiques, la simultanéité étant déterminante dans la psychose. Séparées dans l’emprisonnement, elles font l’une et l’autre grève de la faim pour au moins avoir le droit de prendre le repas ensemble. Christine prend sur elle toute la responsabilité… Lors du procès, elles restent mutiques, et ne montrent ni remords ni regrets ! Christine sera condamnée à mort, peine commuée en perpétuité par le président Lebrun, Léa, considérée complice, condamnée à 10 ans de prison, sera libérée au bout de huit. Christine qui a sombré dans la démence, décédera en 1937, Léa retrouvera un travail de bonne, devenue sourde muette elle décédera en 2001.

Pour la psychanalyse, Christine a accompli la volonté d’une mère psychotique, telle une courroie d’une machine infernale générationnelle d’une paranoïa commune ! À moins, comme le suggère Simone de Beauvoir, que « le mystère troublant de ce crime d’une indicible cruauté reste insondable »

L’invitée du dimanche