Henriette Caillaux

Ce dimanche, autre décor, avec un arrière-plan politique évident, un vaudeville qui tourne mal à la veille de la Première Guerre mondiale !

Nous sommes en 1914, Joseph Caillaux, à la tête du parti radical, ministre des Finances du gouvernement Paul Painlevé, est promoteur d’un projet de loi instaurant un impôt général et progressif sur le revenu. Cette proposition ne convient pas à la droite, qui, en plus, lui reproche son discours pacifiste vis-à-vis de l’Allemagne.

Associé avec les socialistes et le cartel des gauches, nous sommes à la veille des législatives de mai 2014, il a de grandes chances d’être à la tête du prochain gouvernement.

Le Figaro prend la tête de l’opposition et publie pas moins de 110 articles en 95 jours tendant à discriminer le ministre des Finances, l’accusant de fraude fiscale, trafic d’influence, connivence avec l’Allemagne… puis son directeur Gaston Calmette, annonce le 10 mars qu’il s’apprête à publier une correspondance privée de Joseph Caillaux avec son actuelle 2ème femme, Henriette, qui a été sa maîtresse alors qu’ils étaient tous les deux mariés.

C’est là qu’Henriette entre en scène, elle ne peut supporter le risque de voir son passé révélé, passé qu’elle estime déshonorant, l’adultère à cette époque étant considéré dans les milieux bourgeois comme impardonnable. De plus, elle entend son mari projeter de se confronter physiquement au directeur du Figaro, désespérée, elle acquiert un pistolet automatique chargé de 7 balles et rend visite à Gaston Calmette le 16 mars qui la reçoit après un peu d’attente… elle dévoile la raison de sa visite, tire six coups, deux seront fatals (elle dira plus tard pour sa défense, qu’elle a visé les jambes, qu’elle ne voulait pas le tuer, qu’elle a été surprise par la rapidité du pistolet). Son crime effectué elle se rend à la police.

Joseph Caillaux démissionne provisoirement pour pouvoir assurer sa défense jusqu’au procès, ce qui ne l’empêchera pas d’être réélu député en mai.

Le procès a lieu le 20 juillet, l’événement est couvert par tous les médias, et passe même en première ligne dans les journaux avant les affaires balkaniques et l’assassinat de l’archiduc Ferdinand. Elle est défendue par Me Labori, l’avocat qui a défendu Zola et Dreyfus. Il plaide le crime passionnel d’une femme voulant venger son honneur et celui de son mari, donnant une dimension théâtrale au procès pour lequel le public s’enthousiasme. L’avocat de l’accusation veut faire passer l’assassinat pour un crime politique prémédité, exécuté par Madame Caillaux instrumentalisée par son mari ! Le jury composé de « moustachus » ne retiendra pas cette thèse, Henriette Caillaux sera acquittée le 28 juillet 1914.

Joseph Caillaux envisageait de reprendre la tête du gouvernement avant la fin de l’été avec Jean Jaurès comme ministre des Affaires étrangères, désireux d’un compromis dans une paix armée avec l’Allemagne, mais l’assassinat de ce dernier le 31 juillet, et la mobilisation générale annuleront ce projet.

Le geste d’Henriette Caillaux a empêché son mari de revenir à la présidence du conseil à un moment crucial, annihilant ainsi l’espoir d’une alternative diplomatique, à la tragédie dans laquelle a sombré l’Europe.

 La cohabitation sphère politique et privée médiatisée reste toujours responsable de tremblement politique parfois très important, le public ne pardonnant pas l’incohérence des comportements et des propos. Exemples, l’affaire Grivaux, et plus encore l’affaire DSK dont le destin politique a été clos !

L’invitée du dimanche