C’est quand le bonheur ?

Voilà 8 ans que Cali pose la question, et nous n’avons, à ce jour, toujours aucune réponse à lui apporter. Une chose apparait de plus en plus comme certaine, c’est que beaucoup de nos concitoyens estiment y avoir droit et se jugent spoliés s’ils ne l’obtiennent pas. J’en veux pour preuve la réaction d’un certain nombre de vacanciers français, confrontés à l’annonce de mesures restrictives sur l’île de la Réunion à la suite d’une recrudescence inquiétante de l’épidémie de Covid-19. Avec un égocentrisme désarmant, ils se sont déclarés « dégoûtés » ou « dépités » par la situation « catastrophique » qu’ils subissaient.

Je comprends la déception des touristes qui avaient probablement préparé leur séjour sur une île réputée pour sa beauté, son pittoresque, depuis plusieurs mois et s’apprêtaient à découvrir les paysages et je l’espère la vie des résidents à l’année. Cela ne devrait pas les aveugler au point de ne pas comprendre que le confinement dans un rayon de 5 à 10 km ainsi qu’un couvre-feu de 18 heures à 5 heures du matin sont les seuls moyens de contenir l’épidémie. À moins qu’ils n’aient eu les moyens d’y échapper, c’est une situation qu’ils ont dû connaitre en métropole comme tout le monde, et elle touche en premier lieu la population locale. Il faut avoir la mémoire bien courte pour oublier les conséquences sur l’activité, le travail, l’école, les loisirs, tout ce qui est indispensable à la vie, bien au-delà de vacances gâchées.

Les touristes frustrés semblent estimer qu’on leur doit ces vacances étant donné qu’ils ont fait leur part du contrat en se faisant vacciner et en contrepartie ils auraient acquis un droit dont on serait en train de les priver. Il me semble qu’on pourrait leur dire : « c’est le jeu, ma pauvre Lucette », comme dans cette publicité pour le Loto où les malheureux gagnants en sont réduits à retourner une énième fois en Australie. La situation est aussi difficile, sinon plus, en Guadeloupe ou en Martinique, et dans une moindre mesure en Corse. Les îles sont par essence des lieux particuliers et sensibles aux variations de l’épidémie. Il ne me paraîtrait guère prudent non plus d’embarquer en ce moment sur un paquebot de croisière, malgré les précautions annoncées.

Si l’on peut plaindre sincèrement quelqu’un de la situation à la Réunion, ce n’est pas en premier lieu les touristes qui vont devoir écourter leur séjour ou y renoncer. Ils s’en remettront, et la plupart trouveront des compensations ou pourront revenir sous de meilleurs auspices. Par contre, les populations qui vivent du tourisme voient leur saison s’achever prématurément et le manque à gagner ne sera compensé que partiellement. La situation sanitaire sera également précaire, au détriment des patients et des soignants en sous-effectif chronique, et c’est bien plus préoccupant.