Consensus ou compromis

Le projet de loi étendant le pass sanitaire et prévoyant une obligation vaccinale pour les personnels soignants a finalement été adopté par le parlement en un temps record après un marathon législatif clôturé par un sprint final. Cette rapidité a été rendue possible par un évènement passé largement inaperçu, celui d’un accord de fait entre le gouvernement et l’opposition de droite qui est majoritaire au Sénat. En effet, la Constitution prévoit que la loi doit être approuvée par les deux assemblées, Assemblée nationale et Sénat, dans les mêmes termes, ce qui peut allonger considérablement les délais.

Or, Emmanuel Macron voulait aller vite, pour plusieurs raisons. D’abord pour couper court à une contestation naissante se traduisant par des manifestations dans la rue, rappelant fâcheusement la crise des gilets jaunes. Il souhaitait donc profiter de la période estivale, celle de tous les coups bas, pour se débarrasser d’un sujet potentiellement défavorable. Ensuite, et c’est plus légitime, parce que le temps presse, objectivement, et qu’il veut profiter de la dynamique enclenchée en faveur de la vaccination, qui a permis de relancer une campagne qui marquait le pas, alors que le virus repart à la hausse. L’affaire semblait mal engagée, avec des oppositions déterminées à faire valoir leur droit à améliorer, ou à rejeter une loi, en refusant de bâcler son examen, utilisant le seul pouvoir que leur laisse l’exécutif : faire traîner les choses en longueur en déposant de nombreux amendements.

Idéalement, l’obligation d’un texte commun, élaboré par une commission mixte paritaire entre députés et sénateurs, pourrait aboutir à une position de consensus, ménageant les différents avis contradictoires et permettant un unanimisme de bon aloi. Le plus souvent, la CMP ne fait que constater le désaccord, n’apportant de modifications qu’à la marge et confirmant le fait majoritaire, la victoire d’un clan sur un autre. Le président aurait pu se contenter d’attendre la fin de la navette parlementaire, dans une procédure dite accélérée, après une seule lecture de la loi dans chaque assemblée. Il aurait même pu avoir recours au fameux article 49 alinéa 3 de la constitution pour obliger les députés à voter la loi sous peine de provoquer la chute du gouvernement. Au lieu de quoi, il a entamé une négociation avec le parti des Républicains pour obtenir un compromis acceptable par les deux camps tout en conservant une apparence de démocratie. Les autres opposants ont vu leurs amendements systématiquement rejetés. Ces petits arrangements entre amis n’auront sans doute pas de lendemains avant le second tour des élections présidentielles, mais ils peuvent préparer l’avenir. Le résultat le plus clair de ces compromis, voire de ces compromissions, est de rendre le projet de loi incohérent, et parfois incompréhensible et flou. Heureusement, sa date de péremption a été avancée au 15 novembre et non au 31 décembre comme initialement prévu. Espérons que la situation sanitaire sera nettement améliorée d’ici là.