Vacances j’oublie tout

C’est ce que j’appellerai faire d’une pierre plusieurs coups. Emmanuel Macron avait inscrit l’ouverture des Jeux olympiques de Tokyo à son agenda présidentiel, un peu contraint et forcé puisque la France sera le prochain pays organisateur et qu’un peu de prestige international ne saurait nuire à une réélection souhaitée en 2022. Alors les conseillers du président ont eu une idée lumineuse. Puisque l’empreinte carbone d’un tel déplacement ne peut-être que très négative et risque de faire mauvais genre quand on déconseille aux Français « de base » de prendre l’avion, autant en profiter pour en remettre une couche et pousser jusqu’à la Polynésie, terre de mission pour un président, car largement acquise aux autonomistes, et qui a voté Fillon au premier tour en 2017.

Le président a profité du voyage, équivalent à un tour de la Terre, environ 40 000 km quand même, pour commenter les manifestations des antivax en métropole. Il a rappelé que manifester était un droit, tout en interdisant soigneusement la moindre velléité de critique de son action là où la cour et son monarque ont posé leurs bagages. Au nom de la liberté de parole, lui-même ne s’est pas gêné pour qualifier d’égoïstes et d’irresponsables ceux qui contestent le pass sanitaire, ce qui ne me parait pas le moyen le plus efficace pour convaincre les sceptiques. Il devra déjà commencer par se retrousser les manches pour renverser la tendance dans ce territoire français beaucoup moins vacciné que la moyenne métropolitaine, soumis aux palinodies d’un pouvoir central hésitant sur la stratégie d’ouverture ou de fermeture des frontières, pour ne pas pénaliser excessivement le tourisme. Il devra également répondre aux demandes insistantes d’une partie de la population qui réclame justice pour les préjudices subis pendant la trentaine d’années où la France a utilisé les atolls polynésiens pour ses essais nucléaires de surface ou sous-marins, exposant 110 000 personnes aux retombées radioactives, avec des conséquences encore visibles de nos jours.

Macron a déjà prévenu qu’il ne présenterait pas d’excuses au nom de la France, ce qui est déjà scandaleux et ne peut s’expliquer que par un déni de réalité et un refus de tirer les conséquences financières de ces actes. Lui qui n’a que le mot « assumer » à la bouche ne donne guère l’exemple, alors qu’il n’est pas à l’origine des décisions qui constituent un crime contre l’humanité selon le leader indépendantiste Oscar Temaru, qui a porté plainte en 2018 contre l’état français. Au cours de son périple, Emmanuel Macron se sera également rendu aux Marquises, là où Jacques Brel a fini ses jours. Il aura pu y méditer sur la chanson que celui-ci leur a consacrée : « veux-tu que je te dise, gémir n’est pas de mise, aux Marquises… »