Jeanne Moulinet

Écartons-nous un peu des empoisonneuses, pour rencontrer une tueuse en série utilisant des moyens meurtriers beaucoup plus violents.

Jeanne Moulinet, jeune bretonne née en 1874 dans les environs de Paimpol, est l’ainée de cinq enfants. Elle débarque à Paris à l’âge de 15 ans pour chercher un emploi qu’elle trouve chez un architecte pour élever ses enfants. En extra, il la rejoint régulièrement la nuit, elle est folle amoureuse de lui et s’imagine devenir la maîtresse de maison. À 19 ans, elle est enceinte de lui, son employeur finance l’avortement, puis la congédie !

Elle trouve une place de bonne à tout faire chez un rentier, et rencontre Jean Weber, camionneur, qu’elle épouse, ils s’installent dans le quartier de la Goutte d’Or. Elle met au monde une première enfant, apparemment mort-née, son deuxième enfant, Rémy, trois mois, meurt sans raison apparente.

Le 2 mars 1896, elle s’occupe de Georgette, sa nièce de 18 mois, le bébé tombe malade et meurt sous les yeux de sa tante. Le médecin diagnostique une pleurésie et ne remarque pas les traces sur le cou de l’enfant.

Le 25 mars, Germaine, sa nièce de sept ans, est victime de suffocation, meurt le lendemain de diphtérie dira le médecin, les marques rouges au cou sont encore ignorées !

En décembre 1902, la fillette qu’un voisin lui a confiée se trouve au plus mal, meurt d’une soi-disant pneumonie aiguë.

En 1903, Marcelle, trois ans, meurt de suffocation : conclusion, pneumonie aiguë !

Plus rien jusqu’au 5 avril 1905, Suzanne trois ans, meurt au cours de la garde chez Jeanne, diagnostic : convulsion, mort naturelle !

Son propre fils Marcel tombera dans le coma, conclusion : affection de la gorge ayant entraîné une gêne respiratoire.

Puis Maurice, un autre neveu, après une tentative d’étranglement reprend son souffle à l’hôpital, les parents portent plainte, Jeanne est arrêtée, elle finit au dépôt, elle est écrouée à Saint-Lazare.

Les corps sont exhumés, on ne trouve pas de trace de strangulation, les tests toxicologiques sont nuls, bien défendue par Me Henri Robert, le doute profite à l’accusée, elle est libérée.

Elle quitte Paris, recueillie par un cultivateur dans l’Indre. Il lui fait changer de nom, elle s’appellera Glaise. Son fils de neuf ans meurt de façon suspecte. Le procureur demande l’autopsie qui n’est pas concluante, mais on retrouve sa véritable identité, « Jeanne Weber », on rouvre l’affaire de la Goutte d’Or…

Amenée à la maison d’arrêt de Châteauroux, le même avocat prouve qu’il n’y a aucune charge sérieuse, après huit mois elle est libérée. On la retrouve en Meurthe-et-Moselle où elle rencontre le 25 avril 1908 un ouvrier plus jeune qu’elle, ils s’installent dans un hôtel à Commercy. Les logeurs ont deux garçons Fernand et Marcel. Le 10 mai, elle est trouvée près du corps de Marcel, ensanglanté, étranglé avec des mouchoirs qu’elle a mis bout à bout.

À la prison de Saint-Mihiel, elle attend un procès qui n’aura pas lieu, car, après une expertise mentale, elle est déclarée folle, elle est enfermée à l’asile psychiatrique de Fains où elle meurt le 5 juillet 1918 à 43 ans.

L’ogresse de la Goutte d’Or comme elle a été appelée, responsable d’au moins huit assassinats d’enfants dont beaucoup auraient pu être évités sans la bêtise et l’aveuglement de la médecine, n’a jamais été condamnée ! Était-elle un monstre de sadisme ou réellement aliénée mentale ? Son rejet par son amant à cause de sa première grossesse explique-t-il que chaque enfant représentait celui ou celle qui a gâché son avenir : devenir Madame Robert comme elle se l’était imaginé ? Questions ouvertes…

L’invitée du dimanche