Faster, higher, stronger-together

C’est la nouvelle devise olympique approuvée par le CIO à l’occasion de l’ouverture des JO de Tokyo avec un an de retard, dans l’indifférence quasi générale, à commencer par la population locale, invitée à se méfier de tout contact avec les athlètes, les journalistes et les rares touristes étrangers, cordialement invités à rester chez eux autant que faire se peut. Bien que ce soit un Français, le baron Pierre de Coubertin, qui a relancé les Jeux olympiques de l’époque moderne en 1896, et qu’en son honneur la langue française fait partie des deux langues officielles des jeux, la nouvelle devise a été clairement conçue pour l’anglais.

La traduction en français, plus vite, plus haut, plus fort-ensemble, ne rime pas et perd tout impact et toute force de conviction. La formule en latin, citius, altius, fortius — communiter, n’est d’ailleurs pas plus emballante, et illustre bien le caractère si particulier revêtu par la compétition cette année, avec l’épidémie, mais pas seulement. Pour le comité international olympique, l’idée était de redonner un nouveau souffle à l’Olympisme en introduisant une notion de solidarité et de coopération entre les peuples dans une épreuve tout entière tournée vers une compétition individuelle puis collective. Les enjeux géostratégiques des nations engagées sont évidents. Le pays organisateur fait généralement tout, et je dis bien tout, comme aux jeux de Pékin pour la Chine, pour rafler le plus grand nombre possible de médailles d’or, qui servent de critère pour un classement des nations, aux antipodes de l’esprit olympique tant vanté par ailleurs. Le gouvernement français n’échappe pas à cette course à l’échalote, lui qui se donne pour objectif de passer de la 7e à la 5e place du classement, et vise 40 médailles, d’or, d’argent ou de bronze à l’issue de cette olympiade. Nous sommes loin de la formule officielle : l’essentiel n’est pas de participer, mais bien de gagner. Ce n’est pas pour rien que les athlètes doivent satisfaire à une exigence de résultats minimaux pour avoir seulement le droit de se présenter.

Il faut clairement être meilleur que ses concurrents, y compris dans les épreuves paralympiques, où, paradoxalement, il s’agit d’être le plus performant en dépit d’un handicap supposé équivalent pour tous les participants. La formule consacrée « que le meilleur gagne » perd ici tout son sens. Peut-être que le meilleur, celui qui se sera entraîné avec le plus de volonté, qui aura su mettre en œuvre toutes les ressources de son corps, amoindries par un handicap ou un accident de la vie, ne sera pas l’auteur de la meilleure performance. Elle reviendra peut-être à un Oscar Pistorius, avantagé par une technologie qui lui a permis de dépasser bien des athlètes valides, mais n’a pas fait de lui un être humain exemplaire comme l’a prouvé sa condamnation pour le meurtre de sa compagne en 2013.