Le syndrome du yaourt

Vous avez sûrement encore en tête l'absurdité relevée par Coluche (je crois) concernant les dates de péremption des produits, tels que le yaourt par exemple, qui laissent à penser que, du jour au lendemain, pendant la nuit, le truc qui était parfait encore la veille est devenu immangeable, voire dangereux. Nous savons bien qu'en réalité les dates ne sont que des repères et qu'un yaourt est encore consommable très largement après sa date limite de consommation. C'est ce raisonnement, inversé, qui explique pourquoi le ministre de la Santé a pu décréter que le pass sanitaire pourrait être délivré 7 jours après la 2e injection au lieu des 14 prévus jusqu'ici.

En effet, des études effectuées depuis déjà plusieurs mois, montraient que la protection vaccinale augmentait progressivement avec le temps, pour atteindre son maximum deux semaines après un processus complet de vaccination, mais l'efficacité était déjà très bonne après 7 jours. De nouvelles études récentes menées en France, ont confirmé ces chiffres, tout en relevant une efficacité globale légèrement amoindrie sur les variants devenus majoritaires. Techniquement, le raisonnement ministériel se tient, même si l'on se demande si le principe de précaution n'inclinerait pas à conserver le délai initialement prévu. D'autant plus que les autres pays européens garderont la règle des 14 jours. Et que les pass sanitaires américains ou autres ne sont pas reconnus chez nous, et réciproquement.

Il est évident que cet allègement est destiné à mieux faire passer la pilule. Quelques personnes ont été déçues de ne pas pouvoir assister aux festivités du 14 juillet à quelques jours près. D'ailleurs, une autre mesure est envisagée pour les adolescents, qui pourraient être dispensés de certificat pendant le mois d'Août, pour leur permettre d'accompagner leurs parents dans les lieux où le pass sera exigé. Les Français ne s'y sont pas trompé en entendant le discours présidentiel: il faudra être en possession de ce que les journalistes appelleront bientôt, à coup sûr, « un précieux sésame » pour pouvoir aller et venir librement, et vaquer à ses activités les plus ordinaires. Certains s'en accommodent, considérant que c'est le prix à payer pour ne pas se laisser déborder par l'épidémie, et pouvoir espérer un jour qu'elle soit totalement sous contrôle. D'autres s'en indignent, comme une atteinte intolérable à la liberté individuelle, et le font savoir. Parmi ceux-là, une minorité agissante, hostile à toute forme de vaccination, qui ne se laissera jamais convaincre. Et entre les deux, un pourcentage encore important d'indécis. Ce sont ceux-là qu'il faut persuader des avantages de la vaccination, et des contraintes qu'elle peut leur éviter. C'est à ce prix que le pari peut-être gagné.